Session 2: presentation
Session | 2 (1988–1989) |
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Participants |
Michèle Blaise |
Direction |
Jacques Guillot died in October 1988 |
Session website | – |
Coordination | – |
Tutoring | – |
Educational team | – |
People met |
[non-exhaustive list] |
Travels |
Italy |
Le Magasin L’École L’Exposition
Project |
Le Magasin L’École L’Exposition |
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Presentation |
This exhibition, which concludes the 1988-1989 year of the École du Magasin, is organized by Michèle Blaise, Florence Bonnefous, Nathalie Ergino, Dominique Foucault, Sylvie Froux, Luc Gautier, Edouard Merino, Louise Neri. Is Martine Aballéa a photographer, gardener or writer? Is she a prisoner of sleep, as the title of her book suggests, or a mysterious dream publicist? The answer may lie deep in a unique world where the viewer is led astray by her own dreams. In his evolving sculptures, Basserode combines living natural elements with active technical systems. The work evolves in tension between these elements and, subject to time, can either perish or develop in an unexpected way. This refusal of total control refers to fundamental human questions: birth, evolution, destruction… which he also poses for art itself. […] |
Format |
Exhibition |
Date |
1 October – 26 November 1989 |
Location |
Magasin-CNAC |
With |
Martine Aballéa |
Related archive
Interview with Florence Bonnefous
Entretien avec Florence Bonnefous
par Damien Airault
12.05.2018
Damien Airault : Est-ce que vous pouvez brièvement revenir sur ce que vous faisiez avant l’École du Magasin ?
Florence Bonnefous : Avant le Magasin, j’ai fait les Arts Déco à Strasbourg. J’ai d’abord fait un brevet de compagnons de reliure et ensuite je suis passée au département art qui avait été créé par Sarkis. Et j’ai presque passé un diplôme que je n’ai pas eu en organisant une exposition dans un petit local qui avait une vitrine sur la rue qui était tout près de l’école. Le projet s’est appelé un moment ‘Sur les trottoirs’, puis ensuite, ‘Vitrine des Pêcheurs’ car le local était situé Rue des Pêcheurs. À l’époque le rapprochement entre les positions d’artiste et de curateur n’était pas admissible. J’ai continué à organiser quelques expositions à Strasbourg au sein de l’association Artel fondée avec quelques amis artistes.
DA : Vous étiez de Strasbourg ?
FB : Non, j’ai grandi à l’étranger. J’ai passé mon baccalauréat au Luxembourg, à l’École européenne. Strasbourg était la ville universitaire la plus proche. J’y suis allée faire une licence de psychologie, Après, je suis partie deux ans en voyage, en Inde. Quand je suis rentrée, je me suis inscrite aux Arts déco. Et j’ai donc continué à organiser quelques expositions mais ça patinait un peu. L’une d’elle était une grosse exposition dans le Château des Rohan de Saverne, avec des budgets de la DRAC, etc. J’ai ensuite entendu parler de l’École du Magasin et je me suis inscrite. C’était le dernier jury avec Jacques Guillot qui est décédé pendant l’été, entre la sélection et la rentrée des classes. C’est au moment des sélections que j’ai rencontré Édouard Merino avec qui, à la fin de la session de l’École, on a décidé d’ouvrir une galerie. On avait d’abord pensé le faire à Paris. On a trouvé un local et la veille de la signature du bail on est allé dîner pour fêter ça. Au dessert, on avait décidé de ne pas aller signer le lendemain et de ne pas rester à Paris. On pensait qu’il valait mieux développer un projet en périphérie plutôt qu’au centre. On est partis à Nice. Le bord de mer semblait loin de tout à l’époque. En plus, Édouard avait ses parents qui vivaient à Monaco donc on a habité chez eux le temps de trouver un local à Nice. On a ouvert à Nice en 1990.
DA : Qu’est-ce qui vous a donné envie de rentrer à l’École du Magasin ? Comment vous la connaissiez ?
FB : Je ne me rappelle pas du tout comment j’en ai entendu parler, mais ce qui m’a donné envie c’était de professionnaliser ce que je faisais en tâtonnant dans une ville où l’art contemporain était très peu présent: il n’y avait pas de musée d’art contemporain, pas vraiment de galeries. Le département « art » dirigé par Sarkis a été développé très tardivement. Ce n’était pas une école des beaux-arts mais d’arts décoratifs : peinture, sculpture, reliure, illustration. J’ai senti qu’il fallait que je sorte de cette ville, que je rencontre d’autres gens.
DA : Avec qui travailliez-vous avant de rentrer à l’École du Magasin? C’était des artistes de votre génération?
FB : Dans la vitrine j’ai présenté un programme où se sont suivis Sarkis, qui avait fait un beau projet sur Gramsci, et Marie Bourget : tous deux étaient d’une génération différente. Autrement, oui, c’étaient que des gens proches de moi… par exemple Gérard Starck, Stéphane Lallemand – des gens qui étaient à Strasbourg et qui n’ont pas forcément fait carrière. J’ai connu Patrick Neu à l’époque. J’étais amie avec Michel Aubry, avec qui j’ai aussi fait un projet dans la vitrine.
DA : Donc vous rentrez à l’École du Magasin en 1988. Vous souvenez-vous du jury? Comment ça s’est passé?
FB : Je me souviens avoir beaucoup fait rire Jacques Guillot quand il m’a posé la question de comment je vivais. Je pense que c’était une question avec une certaine profondeur et je lui ai répondu : « En servant des bières. » Je ne me souviens d’aucun autre membre du jury.
DA : Une fois dans l’École, les élèves étaient-ils stagiaires ou boursiers dans le cadre d’une formation continue?
FB : Non, on n’avait rien. Il y a peut-être des gens qui ont eu des bourses universitaires, mais je pense que chacun s’est débrouillé. On était logés et partiellement nourris.
DA : Est-ce que vous étiez dans l’année où ils ont commencé à mettre en place ces sortes de mini cellules au rez-de-chaussée?
FB : Oui, on a inauguré les cellules. Au départ, on vivait dans la maison de Jacques, vers Fontaine, avec Victoire Dubruel. C’était le grand confort: grande maison avec une belle vue, jardin, feu de cheminée, grande cuisine, cave remplie. Et puis, je ne sais pas bien pourquoi, peut-être pour des raisons de succession, il a fallu quitter cette maison. Ils ont donc construit à la va-vite les boxes à chevaux. On s’est retrouvé là en milieu de cursus. C’était vraiment des cellules de prisonniers, sans lumière du jour.
DA : Victoire a un souvenir très nostalgique de cette maison, surtout avec les élèves de l’École.
FB : Elle faisait des caillettes tout le temps, je n’en ai jamais mangé autant !
DA : Elle faisait la cuisine pour tout le monde?
FB : Oui, ou elle achetait des choses toutes faites. Et tout le monde s’y mettait.
DA : Et vous voyiez les élèves de l’École d’art également ?
FB : Un petit peu, oui. Pas trop dans la maison mais sur Grenoble. Philippe Parreno, lui, est parti très vite sur Paris. Et un an plus tôt, on voyait Perrin, on voyait Pierre Joseph.
DA : Je ne me souviens pas du nom des autres élèves.
FB : Je me souviens de Nathalie Ergino et de Louise Neri, qui s’est occupée après de Parkett à New York et qui travaille maintenant chez Gagosian. Michelle Blaize est à Bordeaux : elle venait de Bordeaux et elle y est retournée. Dominique Foucault était un artiste. Sylvie Froux au Frac. Luc Gauthier a été sans doute le plus perdu de nous tous dans cette histoire où on s’est retrouvés livrés à nous-mêmes.
DA : Vous êtes toujours en contact avec toutes ces personnes?
FB : Très peu. Je vois Michelle quand je vais à Bordeaux. Louise, je la croise de temps en temps. Nathalie et moi sommes restées proches.
DA : Comment s’est passée votre année ? Qu’est-ce que vous faisiez ?
FB : Quand on est arrivés, c’était comme si il n’y avait plus rien. Tout le monde était perdu. Rien n’était organisé: pas de programme. On s’est retrouvés autour de la table sans vraiment de modérateur. On donnait un coup de main au Magasin. On avait quand chacun fait des demandes de stages à l’extérieur. J’ai été prise par Kasper Köning à Portikus. Je le connaissais déjà un peu avant. Et puis, bon, lui était aussi emmerdé que moi car il n’avait pas vraiment besoin d’une stagiaire et moi, je n’avais pas besoin de rester assise dans un bureau… Donc, je suis repartie. Édouard m’a rejoint car on était déjà assez copains. On s’était fait des fausses cartes de visite qui disaient ‘Curator Magasin’ et on s’est promenés en Europe et une fois aux États-Unis pendant assez longtemps. On était curieux de tout.
DA : Avez-vous fait d’autres voyages avec le reste de l’équipe?
FB : Oui, mais peu : je ne m’en rappelle pas… Jusqu’à ce qu’Adelina arrive et reprenne les choses en main à peu près à mi-parcours. Entre temps, il y avait beaucoup d’effervescence au Magasin parce que le recrutement était en cours. On allait fouiller et regarder les applications des directeurs ! On a beaucoup rigolé. On s’amusait à mélanger les piles de papiers. Adelina est arrivée et ça a été le clash avec certains d’entre nous. Elle nous a amené en Italie visiter Ettore Spalleti, je me rappelle. On a voyagé avec son mari Egon von Fürstenberg qu’on plumait au poker. On a un peu mené la vie dure à Adelina. Elle arrivait dans une situation chaotique où chacun s’était installé dans une routine sans destination, et elle avait une manière de prendre les choses en main un peu patriarcale et parmi nous, certains étaient un peu rétifs. Après, on est restées amies avec Adelina. On s’aime bien. Mais pour moi, peut-être que le moment le plus intéressant c’était peut-être notre rencontre avec Denys Zacharopoulos. C’était amusant pour moi de retrouver Denys Zacharopoulos parce qu’il s’est avéré qu’il était un ancien élève de mon père quand il enseignait en Grèce, où j’ai grandi. Ça a créé une sorte de lien. Denys Zacharopoulos a quand même pris une place d’enseignant, on va dire. C’est-à-dire qu’il nous racontait ses artistes, sa vision du monde de l’art qui était très romantique. Je me rappelle aussi de la rencontre avec Michael Asher qui a été déterminante. On était allé déjeuner à ce petit restaurant à côté, Le Fontaine. Michael Asher nous a fait une théorie très intéressante du hamburger comme symbole de l’impérialisme américain: une sorte de préhistoire de la malbouffe. Je me rappelle lui avoir fait découvrir Luc Moullet qui avait fait un film qui est l’histoire d’un steak, et dont je ne me rappelle plus le nom. Je l’avais vu à Strasbourg présenter un de ses films d’une manière que j’avais trouvé extraordinaire. Il avait fait une présentation très critique de son film. Au lieu d’avancer du positif il avançait du négatif pour nous mettre dans une position dialectique avant même de voir le film. Et je ne me rappelle de personne d’autre.
DA : C’est fou parce qu’Yves Robert cite Jan Hoet, Rudi Fuchs, Harald Szeemann.
FB : On les a aussi rencontré. C’est-à-dire que quand on faisait des voyages, soit en groupe soit en micro groupe, la ‘carte’ du Magasin nous permettait de rencontrer les directeurs à chaque fois. Et effectivement, on a rencontré Jan Debbaut, je me rappelle. On a rencontré Jan Hoet, en effet. Mais ce n’étaient pas des rencontres… comment dire: c’était un peu comme être en groupe avec quelqu’un qui tient un parapluie devant. Pour moi, ça a été plus important de revoir Kasper Köning, de boire des coups avec lui, et d’échanger sur l’intérêt ou la possibilité de faire un stage, que de rendre visite en groupe d’étudiants à Rudi Fuchs ou Ulrich Loock qui a fait un grand séjour à la Kunsthalle de Bern. Harald Szeemann est considéré comme le grand maître de la Kunsthalle de Bern mais derrière Ulrich Loock a fait un beau travail de programmation.
DA : Est-ce que parmi ces invités ou ces rencontres il y avait des intellectuels américains, par exemple des personnes impliqués dans la revue October?
FB : Oui, on a rencontré Benjamin Buchloh. Je ne me souviens pas s’il était déjà prévu ou si c’est Adelina qui a activé ça. C’était bien de rencontrer Benjamin Buchloh mais ce n’étaient pas vraiment des discussions. Ce n’étaient pas des rencontres qui changent… personnellement, j’avais déjà lu Benjamin Buchloh avant. Vous rencontrez la personne et elle vous dit des choses que vous aviez déjà comprises. À moins d’avoir une âme de fan et que la rencontre du corps physique… Mais ce n’était pas mon cas.
DA : Parlez-moi du lien avec le centre d’art. Vous en faisiez partie, et participiez par exemple au montage d’expositions.
FB : On avait beaucoup sympathisé avec la régie et donc on était vraiment sur les montages: à la perche et aux rouleaux. On était dans le quotidien physique du montage des expositions. Enfin certains : il y en avait qui n’étaient pas intéressés par ça.
DA : Et votre projet, comment s’est-il fait : vous avez chacun choisi un artiste qui vous plaisait?
FB : On s’est trouvé vite confronté à la difficulté de concevoir une exposition de groupe en étant un groupe qui n’était pas un collectif : un groupe très varié. On a beaucoup parlé de ça. On tournait en rond mais c’était intéressant. Comment le rendre possible et comment techniquement on pouvait l’organiser. De quelle manière pourrait-on dépasser les expériences et les connaissances communes qui permette de rassembler un groupe d’artistes. C’était très difficile du coup on est parti sur l’idée du projet. On est tous tombé d’accord qu’on était nous-mêmes en projet dans une situation en devenir, intermédiaire : professionnellement et dans nos vies. La seule manière d’être relativement en phase et honnête avec cette demande extérieure de faire une exposition collective serait de partir à la recherche d’œuvres qui seraient elles-mêmes aussi en devenir : dans un statut intermédiaire. On avait inclus dans la notion de projet des choses comme le dessin préparatoire, les maquettes. Il y a eu une période de voyages de chacun où tout le monde rassemblait des éléments qui pouvaient être proposés. C’était assez excitant. Après, il me semble que ça a fait un peu une fin de chanson d’Oum Kalsoum : ça monte, ça monte, puis ça retombe. Au final, on a fait une exposition assez classique où la notion de projet n’était pas vraiment patente dans les œuvres de chacun, sans doute parce qu’il n’y a pas vraiment eu de consensus collectif sur quelles œuvres correspondaient à ces critères. Ce qu’on a montré c’étaient quand même essentiellement des objets.
DA : L’exposition au Magasin au même moment c’était quoi ?
FB : Je ne m’en souviens pas. Ce dont je me souviens c’est que pendant l’admission il y avait une exposition de Jef Geys avec qui nous avons travaillé à partir de 2013 et dont je représente aujourd’hui l’Estate car il est mort récemment. Là il y a une sorte de lien qui s’est refait avec la rencontre avec une œuvre qui avait été très importante qui était une œuvre projet et qui n’a pas pu être aboutie pour le Magasin. Je pense que j’étais l’une des plus à cran sur cette notion de projet. C’est sans doute lié à la découverte de l’œuvre de Geys quand on est arrivés au magasin.
DA : Il y avait des artistes à Grenoble avec lesquels vous avez collaboré par la suite, comme Pierre Joseph.
FB : On était devenus amis très vite avec Pierre Joseph. Et aussi avec Philippe Parreno et Philippe Perrin. Ils ont tous fait l’école d’art de Grenoble. Bernard Joisten, aussi. Dominique Gonzalez-Foerster: on a fait des projets avec elle à Nice. Tous étaient passés par Grenoble et c’est là que je les avais connus.
DA : C’est un réseau qui vous a…
FB : C’étaient des copains : des gens avec qui on a sympathisé et avec qui on a continué à faire des choses ensemble. On s’est déplacés à Nice. Sont venus Parreno, Joseph, et Perrin. On a réussi à organiser une résidence avec un peu de sous à la Villa Arson. Ils sont restés là un moment. Puis d’autres artistes sont arrivés, qui avaient entendu parler du projet qu’on faisait. Et ça a fait boule de neige, le tout sous une forme presque familiale.
DA : Vous avez suivi ce qui s’est passé à l’École du Magasin après, dans les années 1990? C’est quelque chose qui vous a intéressé?
FB : Oui, un peu. C’est-à-dire qu’il y avait ancré en nous très fortement – et c’était quelque chose qui avait été énoncé par Jacques Guillot et avait été porté ensuite par ses veuves – l’idée que les gens qui faisaient l’École du Magasin constituaient un groupe pour qui la notion d’entraide dans le futur était déterminante. Donc on a assez régulièrement rencontré, mais à la galerie plutôt qu’au Magasin, des membres de l’École. Ça s’est un peu effiloché avec le temps puis ça s’est resserré avec cette exposition de Liam Gillick pour laquelle j’ai été beaucoup sollicitée, avec une double casquette d’ancienne du Magasin et galeriste et amie de Liam Gillick.
DA : Il y a au des effets de générations, notamment avec l’arrivée d’Yves Aupetitallot : cet espèce de tournant qui devient très théorique, aussi dans le monde de l’art contemporain. Les artistes sortent un petit peu de ce qui est la formation de l’École. L’École se sépare du centre d’art de façon même administrative. Aussi, dans la période dans laquelle j’étais, l’image du commissaire indépendant était presque impossible.
FB : Pourquoi? J’ai l’impression au contraire que ça a émergé à cette époque-là.
DA : En 2001, quand j’étais à l’École, on avait vraiment comme modèles des Obrist et Bob Nickas qu’on allait voir. Mais je pense qu’il y a eu une sorte…comment dire? On a chacun dû faire des choix qui étaient de l’ordre socio-économique: Est-ce qu’on peut continuer à suivre un monde de l’art contemporain qui voyage énormément, qui a besoin d’un cash flow, qui était le monde des commissaires qui nous servaient de modèle? Est-ce qu’on rentrait dans des positions? Ou bien trouvait-on une autre formule du commissariat indépendant plus polyvalent et plus dans cette idée qui était là au début de l’École du Magasin, de quelqu’un qui crée des cadres, des contextes, peut-être plus petits et moins connus? Avec des supports étranges et des lieux non-institutionnels. La première option qui consistait à nous faire rencontrer des grands commissaires s’est révélée pour la plupart d’entre nous assez difficiles à suivre pour des raisons d’argent.
FB : Le film La Haine a été tourné avec de l’argent qui a été gagné au Casino d’Enghien-les-Bains. Donc en fait, nous c’est ce qu’on a choisi de faire pour Air de Paris : on a emprunté de l’argent à la banque en se disant qu’on allait voir si on y arrivait. On s’est posé cette question, aussi théoriquement car on voulait travailler à deux sans être un couple. Les modèles de travail à deux sont encore plus rares.
DA : Jusqu’au milieu des années 1990, l’École du Magasin a aussi en projet de former des gens qui vont devenir le personnel de l’art contemporain en France. Il faut des régisseurs, des chargés de communication, des directeurs, etc. Et puis, une sorte de cris arrive: tous les postes sont pris. Au début des années 2000, on se retrouve face à un marché saturé. Parmi les anciens élèves de ma génération, il y en a peu qui sont à la tête d’institutions. Mais bon, on savait aussi que ce n’était pas une formation diplômante.
FB : Non, c’était plus une acquisition d’expérience.
DA : Il y avait quelque chose de très fort à l’époque de Bovier, d’Alice et d’Aupetitallot, c’était la question de l’économie. Alice parlait énormément de l’importance de participer au budget, de comprendre comment fonctionnaient les systèmes de subvention, le marché, etc. Est-ce que c’étaient des choses auxquelles vous touchiez aussi?
FB : Non, pas du tout. Il faut vraiment comprendre que pendant peut-être quatre mois, il n’y avait rien. Le centre d’art était perdu. C’est comme si il y avait un décès dans une famille. Donc on a plus été des épaules consolatrices. On ne nous a pas du tout inculqué la moindre connaissance du fonctionnement économique de la structure du Magasin. Tous les discours étaient des discours d’éloge et de deuil sur la perte de cette grande personne qui avait une vision qui s’était presque presque éteinte avec lui. Et ensuite, il y a eu cette compréhension que le meilleur hommage qu’on peut rendre c’est de continuer à vivre et de continuer à faire vivre la structure qu’il avait mise en place.
DA : C’est d’autant plus brutal qu’à l’époque il y a une grande productivité : cinq temps d’expositions par an avec parfois des binômes.
FB : Oui, ce n’était pas toujours la même exposition dans la Rue et dans les salles d’exposition. Malgré tout, ça a quand même déteint sur moi au sens où j’ai un peu eu l’impression que le Magasin c’est une institution qui a petit à petit périclité. Alors est-ce que c’est lié à des changements politiques dans la région ou dans la ville, et ce croisé avec des changements de directeurs? Je conçois que ça participe d’une période où on n’a toujours pas réussi en France à gérer cette dichotomie entre l’argent public et l’argent privé. Il y a une grosse méfiance à l’égard de l’argent privé qui maintenant ne va plus dans l’institution mais dans les fondations.
DA : Le modèle des FRAC n’a pas changé depuis 40 ans, structurellement et dans son projet. C’est quelque chose qu’on paye très cher aujourd’hui : l’impossibilité des institutions à se remettre en question, même pour se planter.
Interview with Louise Neri
Interview with Louise Neri
by Lore Gablier
27.07.2022
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