Session 14: presentation
Session | 14 (2004–2005) |
---|---|
Participants |
Heather Anderson |
Direction |
Yves Aupetitallot |
Session website | |
Coordination |
Alice Vergara-Bastiand |
Tutoring | – |
Educational team |
Liliane Schneiter |
People met |
Kathrin Böhm & Andreas Lang (Public Work artist collective) |
Travels |
Barcelone (24–28 Oct. 2004) |
Commons Service Group
Project |
Commons Service Group |
---|---|
Presentation |
« Nous sommes un collectif de curateurs agissant sous le nom de Commons Service Group pour développer une information sur l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) et ses conséquences pour le champ de l’art et de la culture. Nous soutenons la libre circulation des connaissances et des productions artistiques et culturelles. » Le Commons Service Group a invité les artistes à créer une oeuvre sur une page A5. Sur l’autre face, il a déclaré « l’Art Zone Hors AGCS ». La série « d’inserts » résultants a circulé dans une sélection de publications gratuites de l’art contemporain. |
Format |
Intervention |
Date |
7 – 13 juin 2005 |
Location |
Biennale de Venise |
With |
Lara Almárcegui |
Related archive
Documents
- Folding leaflet [pdf, 40.63 MB]
- Proposition by public works [pdf, 4.94 MB]
- Insert by Claude Lévêque [pdf, 561.67 KB]
- Insert by Young-Hae Chang Heavy Industries [pdf, 516.25 KB]
- Insert by Lara Almarcegui [pdf, 734.92 KB]
- Insert by Antje Schiffers [pdf, 753.17 KB]
- Insert by Étienne Cliquet [pdf, 758.48 KB]
- Insert by Chris Lloyd [pdf, 756.27 KB]
- Insert by Maura Doyle [pdf, 617.22 KB]
- Article paru dans “Le Petit Bulletin”, été 2005 (FR) [pdf, 674.92 KB]
Media and links
Photographs
Interview with Jérôme Grand, Heather Anderson and Julia Mayer
Interview with Jérôme Grand, Heather Anderson and Julia Mayer
by Lore gablier
06.10.2018
Lore Gablier : Pour commencer, peut-être pourriez-vous vous présenter brièvement et me dire comment vous avez entendu parler de l’École et ce qui vous a poussé à candidater ?
Heather Anderson : I was living in Halifax (Canada) in the midst of a MA in Women’s Studies when I chanced upon an ad for the École du Magasin on the back page of some kind of newspaper next to the student (rotary!) phone in the library at the Nova Scotia College of Art and Design. I had recently completed a full-time, year-long curatorial apprenticeship at Mount Saint Vincent University Art Gallery with director/curator Ingrid Jenkner. It was a very practical, hands-on immersion and had opened me to the exciting possibilities of gallery work and curating as an alternate path to the one I had started on as an artist, having graduated from the Emily Carr University of Art and Design (Vancouver) several years earlier. There, in the mid-1990s, I had taken a seminar course on curatorial practice offered by Greg Bellerby, then director of the Charles H. Scott Gallery. Following these experiences, I was eager to learn more about the field. To my knowledge, in the early 2000s, there was only one formal programme in curating in Canada at the University of British Columbia. Reading about the École online I realized what a reputation and history it had. Its hands-on, collaborative model and the opportunity to make connections abroad was more enticing than an academic university programme – and that the tuition was free was amazing! When my partner Aaron and I moved to London for his MFA in 2003, a friend who was in Lyon invited us for Christmas. Realizing Lyon was close to Grenoble, I arranged to meet with Alice Vergara-Bastiand to learn more about the École. I visited the last day before the Magasin closed for Christmas and was impressed by the École and the Magasin overall. Alice encouraged me to apply. Back in London, I took classes at the Alliance Française to improve my French – that the École’s working language was French appealed to me because Canada as a bilingual country requires French for many jobs. I worked for a long while on my École application and successfully applied to the Canada Council for the Arts for a professional development grant to cover basic living expenses to attend the École, as well as a modest contribution towards a curatorial project. It’s telling that many curatorial training programmes have since been established and that curating has become a path that many people follow, especially after, or as a part of, fine art and art history degrees. In 2012, I began working as a curator at Carleton University Art Gallery (CUAG), where a key aspect of our programme is to mentor new curators – primarily students enrolled in art history but also coming from other disciplines—through the process of curating what is typically their first exhibition. More recently, Carleton established a Graduate Diploma in Curatorial Studies, with which CUAG is formally involved. There are now many students entering the field of curating and while I encourage them, at the same time one needs to be frank that there are more individuals in such programmes than jobs available.
Julia Maier : Pour moi, ça a été un parcours de familiarisation par des rencontres successives. J’ai fait ma deuxième et troisième année à l’école d’art à Valence où Dean Inkster1 enseignait. Du coup, on a rencontré d’anciens professeurs et élèves de l’École : Liliane Schneiter, Alejandra Riera, Caecilia Tripp2 … Nous avons, par exemple, aidé Caecilia, lors de sa résidence d’artiste, à réaliser un projet de CD-Rom interactif. Pour l’époque (1998-1999), c’était assez novateur. Dean avait un enseignement vraiment éblouissant. Il nous a fait découvrir des références inhabituelles dans l’enseignement théorique donné en France, notamment des philosophes et penseurs français ou européens davantage connus à l’étranger (Deleuze, Foucault, Agamben, Didi-Huberman…). Il nous a permis de faire aussi une précieuse découverte : la littérature de Gertrude Stein. Vraiment, il nous a ouvert à tout un univers de pensée et de réflexion qui était nouveau. Je pouvais d’autant mieux le mesurer que j’avais commencé mes études supérieures par un cursus universitaire en France où j’avais été familiarisée avec la philosophie esthétique, l’analyse d’image et l’histoire de l’art. En rencontrant Dean, j’ai rencontré d’autres approches, d’autres manières de traverser le champ de l’art de l’époque et antérieur. Ensuite, je me suis installée à Paris où j’ai fait une Licence en arts plastiques et, parallèlement, suis entrée à la galerie du jour Agnès b. où j’ai travaillé à temps partiel. Puis, je suis entrée à l’école d’art de Cergy où j’ai encore croisé un certain nombre de personnes proches de l’École. Pour moi, l’École était donc très présente comme un espace où on pouvait véritablement expérimenter. Ça m’a paru très intéressant et quand j’ai fini Cergy, je ne savais pas trop où aller, et comment poursuivre le chemin. On m’a rappelé que chaque année on pouvait postuler pour entrer à l’École du Magasin.
Jérôme Grand : J’ai grandi à Grenoble et le Magasin était le centre d’art où j’allais fréquemment depuis que j’étais petit – notamment grâce au programme d’art de l’école primaire Menon. C’était un lieu que je connaissais bien et que j’aimais beaucoup. Je ne connaissais pas encore l’École. C’est lors de mes études universitaires que j’ai réalisé qu’il y avait une école attachée au centre d’art. Je faisais des études d’art spécialisées en printmaking (art imprimé) et je développais mon travail sur des questions de diffusion, de public, et de développement d’évènements. C’est ce qui m’a amené vers le curatorial. Après mes études, j’ai voulu développer cet aspect curatorial et j’ai donc postulé à l’École. Et en septembre 2004, Heather, Julia et moi sommes arrivés à Grenoble et avons commencé notre projet.
LG : Comment se passe votre arrivée à l’École ? Aviez-vous un tuteur ?
JM : C’est important de souligner que nous étions une petite équipe pour une raison simple : le bâtiment du Magasin allait fermer pour travaux et on a donc été relogés dans des préfabriqués où tout le monde était un peu entassé. Si ma mémoire est bonne, on avait deux espaces : un petit bureau avec des ordinateurs et une salle de réunion qui donnait sur le bureau d’Alice. Cette année-là a commencé par une rencontre avec Alice, Liliane et Catherine. À partir de là, on a entrepris des recherches autour du don, de la gratuité, et de tout ce qui relève du droit d’auteur et de son pendant, la libre distribution et le libre échange. On abordait ces questions principalement au travers des supports imprimés.
JG : On avait eu un sujet assez simple qui était « Publications gratuites ». Et toutes les questions que tu as évoquées se sont développées autour de ce concept.
JM : C’est-à-dire qu’il s’est greffé autour de ça toute une réflexion théorique. On a lu ou relu Marcel Mauss et d’autres auteurs sur la question du don, de la gratuité, de la libre circulation. On a pris connaissance aussi de mouvements qui émergeaient autour du « peer-to-peer », des « creative commons ». Et je crois qu’on a choisi de ne pas avoir de tuteur. On est plutôt allé rencontrer des personnalités dans différentes villes autour de ces questions-là.
HA : I remember that in December we went to a conference in Geneva on copyright and that we were struck by a presentation given by Marie-José Mondzain, a philosopher specialized in art and images, who announced that she was taking every opportunity to talk about the GATS (General Agreement on Trade in Services) and its implications for cultural production. That really struck a chord with what we were learning and thinking about around the idea of the commons, the free circulation of ideas and culture as a commons. She underscored that the GATS was an urgent issue for those working in the field of culture to address. As we subsequently researched the GATS, it became the subject around which our project cohered. There had also been a presentation by artist Jaromil, who was working with online culture. He was squatting somewhere in Geneva and I remember Liliane championing his ethics and the ideals of trying to somehow live outside capitalism. I remember we later had a conversation with Jaromil around his projects and online culture.
LG : Vous avez donc déterminé assez tôt votre sujet de recherche et organisé vous-mêmes votre programme.
HA : I remember that Alice, Liliane and Catherine assigned to us the topic of “Free publications” which we embraced, and soon after we went on trips to Barcelona, Paris and elsewhere, where, as part of our research, we collected free art and cultural publications. Early on, while we were still in the Magasin’s main building before we moved to the temporary premises, we had to present our preliminary research and direction to Alice, Catherine and Liliane. We laid out the various free publications we had gathered in categories on tables. I remember Alice not being overly impressed that day with our first attempt. We presented our rationale for these categories to the “équipe pédagogique” and what we were trying to foreground with this selection of free publications, but for a while, we were still struggling: it was such a broad topic.
JG : I definitely remember months of struggle, especially at the beginning, to understand how to frame the project. Then things slowly evolved. When we heard Marie-José Mondzain and started researching the GATS, this became kind of a catalyst for shaping the project. After that point, things came together with different logics. I don’t remember Alice being unhappy. I just remember a slow process and I do remember some frustrations trying to understand how to develop the project. Until the end of it, we kept articulating its meaning and components as they were evolving.
HA : When I look back on all the connections we braided together and all that we managed to accomplish in those ten months… I think the resulting project was – is! – coherent. I remember that we also had a modest collaboration with the team from Samizdat. They were in Grenoble for a few days for a conference and workshop. We learned a lot over those couple of days and it made sense within our project but it was kind of another arm where we were learning about the possibilities for putting information online…
JG : It was about open source, and it was at the University in Grenoble, in the space called Ève. There were art students from Grenoble and Valence. We gave a presentation about our project there.
LG : Tell me how the project took shape. You start with this quite open topic of “Free publications”. You struggle to understand how to appropriate it. Then, you attend this conference in Geneva and the GATS comes into the picture. After that, how does the project start to take shape? And how do you develop it as a group?
JM : Du fait de nos parcours qui sont à l’époque des parcours d’artistes, il y a beaucoup de choses qui nous ont interpellés et déroutés. Il y a eu quelque chose de difficile à élucider qui tient du rapport de l’intime au fait politique et social et de son irruption dans le champ de l’art, et inversement. Tout au long de ces dix mois, il y a eu une difficulté et, à la fois, de l’enthousiasme à tenter d’articuler à l’intérieur d’un centre d’art hautement subventionné ces questions qui relèvent du champ de l’alternatif et de l’activisme. Je pense que c’est pour ça aussi que le processus a été somme toute assez laborieux et éclaté. Je pense que l’intelligence collective a été de donner un corps qui était celui de l’édition pour faire apparaître toutes les phases de ce projet. Je me rappelle effectivement d’un conflit avec Alice mais qui est maintenant assez flou dans ma mémoire. Mais je me rappelle très bien, quand on a visité Barcelone, de toutes les questions que nous nous sommes posées sur le rapport des habitants au territoire de la ville. C’était après les JO. On a rencontré un certain nombre d’activistes, de gens issus vraiment de la population qui se mobilisaient. Et l’art était en fait un espace de projection et de ressource pour se construire des positions, des identités. Pareil à Venise : vous vous rappelez, on a rencontré quasiment à la fin des gens qui se battaient pour faire exister un Venise populaire avec un dialogue un peu étrange. C’était intéressant de voir comment au fond se construisait un dialogue, parfois un peu absurde, avec le champ de l’art et celui de l’establishment. C’est quelque chose que je continue à travailler, et qui continue d’exister dans ma vie. C’est un peu comme les flyers qu’on a édités et diffusés à la Biennale. D’une part, ils représentent un champ libre pour les artistes ; et d’autre part, une revendication politique mais qui se touchent par le dos, en quelque sorte, comme si ça fonctionnait à la surface d’un miroir. C’est vrai que ça reste difficile d’articuler véritablement ces choses-là avec cohérence et lisibilité. Je pense que c’est ça qui a été tout le temps difficile : de penser à la fois droit d’auteur, légitimité de l’artiste et des groupes, et en même temps, intelligence collective, libre partage. Je ne sais pas si c’est quelque chose qui a continué à vous interroger par la suite, mais pour moi, c’est quelque chose que je ne cesse d’interroger, du fait de ma vie professionnelle et de ma vie d’habitante d’un petit village.
LG : J’ai l’impression que l’École, et surtout dans cette période de son existence, était vraiment un lieu dans lequel ces questions pouvaient être adressées, à partir de l’institution et du champ de l’art. On n’est pas encore dans la multiplication des formations aux pratiques curatoriales qui induisent un certain alignement dans la manière dont on aborde les questions de l’art et de sa position dans la société, dans le politique. Quand bien même ce sont des questions difficiles, je pense que c’était l’ambition de l’École de les ouvrir et de les travailler.
JG : Il y avait en effet cette idée que le travail curatorial pouvait se passer en dehors d’une exposition.
JM : Ah oui ! Très nettement.
JG : C’était quelque chose que l’École poursuivait. Il y avait un certain désir dans l’École de voir émerger des formes curatoriales expérimentales et de diffuser le curatorial de façon différente. Avant nous, il y avait eu des élèves qui avaient fait un livre, une série d’émissions radio : il avaient développé leurs formes. Et nous, on avait collecté tellement de publications gratuites dans nos voyages, que ce soit à Lyon, Paris, Genève, Barcelone, Bruxelles : il y avait quelque chose dans ces formats qui était très divers, et qui nous intéressait. On avait remarqué qu’à cette époque il y avait beaucoup de publications culturelles gratuites qui étaient diffusées dans les centres urbains. On s’est dit que c’était une forme assez incroyable. La façon dont on a ébauché ce projet était vraiment à travers ces publications : de diffuser dans des publications une série d’inserts, avec cet espace pour les artistes et avec cet espace activiste au sujet de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). Et aussi à travers le web. On a travaillé ces questions sur ces différents niveaux. Le dernier volet du projet étant à Venise.
HA : Because our project could have expanded and gone in so many directions, I remember Alice always guiding us: questioning and directing us to ensure that all aspects of the project were coherent. This exigency was something that really shaped our project as the Commons Service Group. For me, personally, that guidance from Alice to strive for coherency among all aspects of a project has had a long-lasting impact in terms of how I think through and develop projects in my ongoing practice. Thinking about the various resources and opportunities that were available to us during our time at the École and all the different collaborators we had, it was sometimes challenging to define and connect things in a coherent way. But looking back at the project, I think it was successful, and an exhilarating adventure overall! I think we were also fortunate to be a team of three: a good number for dividing labour, managing logistics and drawing on our individual strengths. And as I heard from participants of other sessions, it can be challenging working in a larger group. The nature of our project arose from us being a small group and we made it an advantage.
LG: Pouvez-vous me parler de votre relation à l’équipe du centre d’art à l’époque?
JM : Chacun avait des ressources personnelles, des savoir-faire, dont Jérôme qui savait comment développer un site Internet. Cela nous a rendu assez indépendants. On a fonctionné avec un budget qui était extrêmement mesuré. Si on a eu très peu de relations avec le directeur, on était en lien étroit avec le libraire et la partie administrative de l’équipe du centre d’art qui nous ont épaulé dans l’analyse financière de notre projet, quel pouvait être le cadre pratique, comment avancer concrètement. Je pense que ça aussi a été très enrichissant. Effectivement, on travaillait sur une question qui est aussi la question des marges et de travailler avec peu. Ça a été un choix qu’on a fait plutôt que d’aller chercher des subventions complémentaires ou du mécénat. On a plutôt essayé de faire quelque chose d’opérationnel avec très peu de moyens. Ça reposait beaucoup sur nos énergies et nos capacités à fédérer. Je me rappelle que j’étais très contente que Claude Lévêque accepte car ce n’était pas gagné quand je l’ai appelé. Mais en fait, il a été touché par le projet. Il y a aussi toute la manière de susciter l’envie de partager, de donner envie à des artistes d’entrer dans le projet, même si l’articulation n’était pas évidente. C’était un objet un peu étrange.
JG : Je me souviens bien de ce côté autonome qu’on avait en équipe et qui était à notre avantage pour ce projet qui prenait différentes formes et qui s’est étendu sur plusieurs mois. Il y a une chose cependant qui diffère de ce que tu racontes : je me souviens qu’on a payé les artistes pour leur contribution, et c’est quelque chose dont on a beaucoup discuté, cette question de la rémunération des artistes. On traitait aussi de la question du matériel et de l’immatériel de l’art : du service. C’est une question que Heather a théoriquement beaucoup développée dans le projet. Et si je me souviens bien, nous avions rémunéré les artistes 300 euros.
HA : Quand j’ai déposé ma demande de bourse au Conseil des arts du Canada. au titre de développement professionnel, j’avais inclus, outre les frais liés à mon séjour à Grenoble, un budget pour un projet curatorial qui était alors évidemment très différent et comprenait notamment des cachets pour les artistes. Du coup, pour moi c’était important d’utiliser cet argent pour payer les artistes. It was not a huge amount of money. It was more symbolic. But I remember there were a lot of philosophical discussions, especially with Liliane.
JM : D’après mes souvenirs, on n’a pas payé Claude Lévêque, mais on lui a envoyé un certain nombre de flyers. C’était le deal, je crois. Effectivement, ça a été un point de discussion très important. La rétribution des artistes est une chose importante. Claude Lévêque a été le seul artiste français associé.
LG : Comment en venez-vous à vous constituer comme collectif ? Pour Alice, par exemple, il ne s’agit jamais tant de la question du collectif, que de la collaboration. Or, vous, vous décidez de vous constituer en collectif. Comment cette décision survient-elle ?
HA : I think that strategically we needed to have an identity that went beyond the realm of art. The name Commons Service Group (CSG) is broader and, while a bit vague, also describes our aims. I don’t remember exactly when we took that identity, but somewhere in the late winter. It served us to have an “official” group identity when we were in various public settings where we would share information about the GATS. It was also important to create the website as a hub for the CSG, and also in Venice, where we presented ourselves as more than Session 14 of the École du Magasin.
JG : It kind of had a mix between an NGO and a consulting group. It didn’t seem like a curatorial group. We were clearly labeled as the curators of this group, so we were not anonymous, but it was a very generic type of identity for a group of people coming together. We were looking at a lot of WTO and global websites.
HA : I think, we also had the ambition to continue collaborating as the Commons Service Group beyond the École. But our respective lives took over and that did not really happen. But we thought it could be a nice opportunity to be able for our group to potentially look beyond the École.
JM : Jérôme, tu tenais aussi beaucoup à ce que le site Web soit indépendant du site Web du Magasin. On était dans cet objet un peu étrange entre quelque chose qui relève de l’activisme, et de l’action curatoriale par ailleurs. Le croisement nécessitait aussi de mettre nos personnalités au second plan. À Venise, le fait de s’être constitué comme un collectif nous a permis d’agir au-delà de nos personnalités, ensemble. Et c’était important. Même si ce collectif était essentiellement nous trois, en tant que collectif nous partagions des enjeux et des objectifs que, peut-être, en tant qu’individus nous aurions continué à discuter indéfiniment. Cela nous a poussé à nous déplacer individuellement.
JG : Une des choses qu’on faisait dans ce projet qui est unique d’un point de vue curatorial, c’est qu’en tant que curateurs on portait le projet physiquement. Avoir ce nom de groupe générique permet aussi peut-être de faire contrebalance à cette chose-là. C’était peut-être atypique pour un curateur de se mettre tant en avant dans le travail. D’un autre côté, on portait aussi le projet sous nos habits, de façon plus ou moins clandestine.
JM : Ça nous permettait aussi de commenter notre projet : c’est-à-dire de rejoindre ensuite nos positions individuelles et devenir les commentateurs du projet. Avoir créé un groupe pouvait laisser de la place à toutes les interventions, ou à la présence des artistes à travers les différents dispositifs. L’idée du stand lui-même a été conçue par des artistes, et aurait pu être porté par n’importe qui d’autre.
JG : D’ailleurs, l’habit qu’on a choisi était un espèce de bleu de travail.
JM : Un bleu de travail marron !
LG : Ça vous a traversé l’esprit que cette exposition puisse en effet devenir itinérante et que d’autres la fasse circuler ?
HA : The project was presented at a conference in Marrakech. Somebody approached us and we sent a certain number of materials. I can’t remember specifically what event this was.
JG: You also presented the project in Montreal, Heather.
HA : Yes, there was an event called “Artivistic” in fall 2005 that brought together art and activism. It was just after I returned to Canada, and our project was still very much on my mind. I had seen the call for participants so I applied to present the CSG project and attended the event. It was a very grassroots conference bringing artists with activist together. It was mainly artists from Canada and the US, including Temporary Services from Chicago – a group whose activities I think we were in affinity with! I communicated with the two of you about “Artivistic” and we decided that I would go and declare Montreal a GATS-free zone, in the same spirit we had declared Venice a GATS-free zone, but obviously more low-key, within the sphere of the conference.
LG : Qu’est-ce que vous gardez de cette expérience à l’École ? Comment ça a nourri vos différents parcours professionnels, personnels ?
JG : Après l’École, j’ai continué sur ces idées de publication et de public à travers l’imprimé et le curatorial. J’ai développé une exposition pour le CNEAI sur la “collection FMRA” (éphémèra) qui était présentée à la Villa Arson. Par la suite, je suis parti aux États-Unis. J’ai travaillé pendant quelque mois au MASS MoCA avant de m’installer à Chicago. J’y ai trouvé beaucoup des gens qu’Heather avait croisés à la conférence à Montréal : le groupe Temporary Services, l’espace Mess Hall, la publication AREA Chicago, et puis beaucoup d’autres. Il y a en effet une affinité et de bonnes relations à Chicago pour développer des projets autour des arts, de l’éducation, de l’activisme et de la recherche. Les questions posées à l’École ont été importantes et continuent de m’informer professionnellement et intellectuellement. Je vis toujours à Chicago et mon travail est aujourd’hui principalement administratif ; je dirige des programmes arts et éducation pour l’agence des arts de l’État de l’Illinois.
HA : As part of the École programme, we were encouraged to find an internship. I took that to heart. As I mentioned earlier, curatorial programmes in Canada were quite rare at the time. The timing of returning to Canada and having that experience opened doors – today I am not sure the effect would be quite the same as there are now many people with similar training. For practical as well as strategic reasons, I decided to try to establish myself in Ottawa, where my partner’s family lives and where the National Gallery of Canada (NGC) is located. I knew of the then curator in the contemporary art department by reputation – Kitty Scott – and Alice encouraged me to write her a letter and propose an internship. I recall I expressed my interest in learning more about how one builds a national collection of contemporary art. Kitty called me in for an interview and we agreed upon a number of projects to be undertaken during a full-time internship from October to the end of December 2005. It was unpaid as the internship was an extension of the École training and it was for a specific duration. Of course, I am aware of the issues around the prevalence of unpaid internships in the art field that have been much discussed in recent years, particularly where they have become a kind of “rite of passage” outside of educational training and exploit emerging arts and cultural workers. But at the time I recognized that I could have ended up being unemployed those three months upon landing back in Canada so this opportunity to gain concrete, valuable experience and contacts was an exceptional opportunity. I worked on two major projects which each offered me new, hands-on experiences and connections I wouldn’t have otherwise gained. Afterward, I briefly moved back to Halifax, where I am from and where my partner had a teaching job, when out of the blue, I received a phone call from Kitty inquiring whether I would like to return to cover a secondment for five months. This contract turned into a succession of contracts, and eventually, I successfully applied for a full-time position as an assistant curator: I ended up working in the contemporary art department for six years, and this is in large part thanks to my experience at the École. The original reason that the curator, Kitty Scott, had been receptive to my letter and my proposal to do an internship was, as she expressed it, the reputation of the École, and because not many young curators in Canada had this kind of curatorial training and international experience as well as being able to work in French, all of which were really key for the activities in the contemporary art department at the NGC. But how this unfolded for me is also a bit ironic because, throughout the École, Alice encouraged us to think beyond institutional jobs, and to create our own opportunities, independent initiatives and ‘micro-projets’. I am grateful to Kitty Scott for taking me on and for the doors that the École opened for me here, back in Canada.
JM : L’École du Magasin m’a permis d’appréhender le phénomène artistique et le phénomène culturel comme deux choses jointes et disjointes. Elle m’a permis aussi de mieux appréhender des aspects concrets. Avant l’École, la question du politique, du féminin, et la manière de le donner à travers un dispositif artistique m’intéressait déjà beaucoup. L’École m’a persuadé à quel point c’est au fond un enchaînement de choses très concrètes et que l’intelligence collective existe vraiment. Après l’École, avec mon compagnon, pendant six ans, on a tenu un dépôt-vente de meubles et d’objets d’occasion. On a vraiment rompu, l’un et l’autre, avec le monde de l’art. Et on a vécu une expérience totalement différente de toutes celles qu’on avait pu vivre auparavant, nourris de nos aspirations et de notre relation avec l’art. Suite à quoi, on a eu la chance de vendre ce commerce et j’ai très rapidement retrouvé du travail dans le domaine de la culture, comme chargée de coordination. Aujourd’hui, je travaille pour un festival de musique baroque et j’ai créé ce poste avec des bénévoles associatifs. En Maurienne où je vis, une très large majorité des gens n’ont jamais mis les pieds dans un musée. Donc les enjeux sont très forts. Le filtre des politiques culturelles en France fait que très souvent les habitants et les artistes n’ont pas de point de rencontre. Il y a cette espèce de filtre un peu opaque qui est la politique culturelle. Je pense qu’il y a encore beaucoup à imaginer et à travailler, et collectivement : c’est-à-dire s’intéresser à ce que les habitants portent déjà en eux de sensibilité aux arts et qu’ils ne concrétisent pas. L’École du Magasin a à ce titre été un moment clé. On a créé une association qui s’appelle 17 17. C’est une association qui a pour but d’être un lieu de collaboration avec des artistes via la technique de la sérigraphie. On travaille aussi beaucoup avec une commissaire d’exposition, Laura Morsch-Kihn, dont le premier support est le fanzine. On est intervenu plusieurs fois au FRAC à Marseille (salon de l’auto-édition ou collaboration avec des artistes émergents invités à exposer), mais en général on est plutôt sur des circuits indépendants. En même temps, on organise des atelier-découverte pour des enfants et pour des adultes. Nous qui avons tous traversé le champ de l’art et pour qui c’est quelque chose de prégnant et évident. Mais en fait, il y a tellement de gens qui n’ont pas cette ressource. Il faut déjà commencer par le commencement : Comment on construit une image ? Comment on construit une couleur ? Quel sens ça a de faire ça ?