About the École
Presentation
L’École du Magasin opened its doors in 1987 as one of the activities of the Magasin – National contemporary art center in Grenoble, which had been inaugurated a few months earlier by its founder, Jacques Guillot. The first curatorial training programme in Europe, it was designed to provide a professional environment combining research and practice, independent work and collective creative work and mediation. The École offered direct experience in the conception and organisation of a curatorial project within, and sometimes with the tools of, an international art centre. As a professional training programme, it offered its students “practical work” based on various situational exercises, studio visits and seminars, while encouraging individual research. The École du Magasin was itself an experimental project in constant evolution, and its primary aim was to define a model of curatorial training through the exploration of the notions of work, collaboration and artistic creation. A genuine niche for experimentation, the École offered participants the possibility of conceiving and carrying out at least one collective public project and defining its format, becoming a real-life testing and reflection ground for young professionals.
Over the years, various personalities from the contemporary art world have taken turns to provide tutoring and theoretical and critical support for the students’ projects. The Magasin-CNAC team offered its support, but most of the time, the participants remained masters in the way they conducted their research with the interlocutors of their choice.
The École du Magasin came to an end after more than twenty-five years of existence, following the redefinition of the Magasin-CNAC in Grenoble in 2016, after having trained more than 150 students and involved more than a thousand of the most influential and/or innovative intellectuals, artists, institutional officials and various professionals from the current art world.
In 2022, when this archive portal went online, the new management of the Magasin began to evaluate the possibility of reopening a training course in curatorial practices within the art centre.
Documentation
Related archive
Documents
- Portait of Jacques Guillot in front of Le Magasin during its renovation, 1986. Archives Victoire Dubruel [jpeg, 234.72 KB]
- Projet original de Jacques Guillot pour l’École du Magasin daté de 1985 (FR) [pdf, 27.03 MB]
- Presentation of the spaces of the Magasin-CNAC (FR/EN) [pdf, 3.15 MB]
- Presentation leaflet (1999) [pdf, 2.81 MB]
- Presentation leaflet (2000) [pdf, 12.06 MB]
- Presentation leaflet (2013) [pdf, 108.65 KB]
- Information leaflet(2014) [pdf, 2.24 MB]
- Application form (2015) [pdf, 95.38 KB]
Interview with Victoire Dubruel
Interview with Adelina von Fürstenberg (FR)
Interview with Adelina von Fürstenberg
by Michela Alessandrini
20.04.2018
Michela Alessandrini : Vous avez été directrice du Magasin–CNAC et de l’École de 1989 à 1994. Pouvez-vous nous parler de ces années, en commençant par votre arrivée au Magasin ? L’École existait déjà depuis deu ans…
Adelina von Fürstenberg : Au début, j’ai simplement suivi les grandes lignes de la direction précédente sans rien révolutionner. Mais le profil des gens qui sont venus enseigner était un peu particulier. J’ai par exemple invité le philosophe Fulvio Salvadori à donner pendant les cinq années des cours de philosophie liés à l’art ; il y avait aussi des cinéastes et des professeurs d’histoire qui permettaient de comprendre d’où on vient et où on finit (notamment pendant les années de la chute du mur de Berlin et le bouleversement de l’Europe). Chaque année, il y avait aussi un curateur qui suivait les élèves tout au long de l’année. J’ai beaucoup insisté sur les séminaires auprès des institutions que les élèves allaient visiter en voyage et où ils sont allés travailler après, dans certains cas. Puis, il y avait les expositions, évidemment.
La première année, j’ai essayé de créer un espace-logement où les élèves pouvaient partager l’expérience du vivre-ensemble à côté du Magasin mais ça n’a pas vraiment marché car c’était un lieu un peu compliqué, sans fenêtres. Et finalement, les élèves préféraient être indépendants dans la ville. C’était peut-être trop scolaire de les mettre ensemble comme dans un internat. Par ailleurs, j’ai aussi un peu développé le côté des étudiants internationaux (Louise Neri venait d’Australie, par exemple) et j’ai travaillé sur le côté convivial (travailler ensemble, cuisiner ensemble, vivre ensemble de façon plus informelle pour se « changer les idées »), et là le philosophe a joué un grand rôle. On a développé tout de suite au début la librairie, car il n’y en avait pas, et aussi la cafétéria – des zones de convivialité. Il y avait une participation très forte dans le travail avec les artistes et notamment pendant la phase du montage des expositions personnelles que je pensais pour le Magasin.
MA : Quelle était la particularité de l’École à l’époque ? Quels en étaient les points forts et les points faibles ? Quel était le but de ce centre de « formation » ?
AvF : Les points faibles étaient liés aux raisons pour lesquelles les élèves étaient là. Il y en avait qui avaient une idée bien précise de ce qu’ils voulaient devenir après, d’autres qui ne voulaient que faire leur carnet d’adresses, ça dépendait des personnalités. Mais je dois dire que mes élèves, sur les 50 que j’ai eu à peu près en cinq ans de direction, au moins une trentaine sont bien placés dans de bonnes institutions (Yves Robert, Nathalie Ergino). Il y a eu des élèves « extérieurs » qui ont candidaté et qui n’ont pas été pris mais qui ont quand même participé avec les autres comme Laurence Gateau (qui a dirigé le Frac Pays de Loire puis le Musée des beaux-arts de Nantes), Rebecca Camhi (galeriste à Athènes) ou Sylvia Amara (qui travaille aujourd’hui au Mucem à Marseille). D’autres sont devenus des galeristes, d’autres ont disparu.
MA : Quelle image du commissaire d’exposition était véhiculée par l’École ?
AvF : Je voulais qu’ils apprennent « à la caisse », comme je dis, sur le terrain. C’est ça mon image du commissaire d’exposition : l’image de quelqu’un qui sait autant faire un budget que concevoir un projet et travailler avec un artiste, tout en même temps. Avoir toutes ces compétences amène à la connaissance du métier de A à Z. Aujourd’hui ce n’est plus tellement le cas, ça a évolué en pire à mon avis. Le but pour nous c’était d’élargir le champ d’action culturelle et la connaissance qui en découle.
MA : Et ils étaient perçus comment les commissaires d’exposition en dehors du Magasin à l’époque ? Est-ce que vous aviez réfléchi avec d’autres institutions qui commençaient à faire la même chose à l’internationale ?
AvF : Moi j’avais appris avec de grands commissaires comme Harald Szeemann, Doris Ammann, Kasper Koenig, qui travaillaient de la même façon : c’est-à-dire qu’ils maîtrisaient tous les facettes du métier. C’était ça le modèle que j’avais choisi pour les étudiants. Et c’était aussi la volonté du fondateur de l’École, Jacques Guillot, qui lui aussi venait de cette catégorie de curateurs. C’était normal à l’époque de travailler de cette façon : d’avoir la capacité de concevoir, d’écrire, de travailler avec d’autres, de repérer des artistes. Les curateurs étaient davantage des critiques d’art, le concept d’advisor n’existait pas à l’époque. C’était un métier très lié aux individus qui le faisaient. Effectivement, ces élèves avaient tous de très fortes personnalités : ils avaient la volonté d’aimer ce travail. Je vais te citer Confucius : « Choisis un travail que tu aimes et tu ne devrais travailler même pas un jour dans ta vie. » Il fallait qu’ils aiment tout ce qu’ils faisaient. C’était une manière de vivre, et d’apprécier ce qu’on faisait ensemble à tous les niveaux.
MA : Quels ont été les moments les plus décisifs pendant les années de votre direction de l’École ?
AvF : Il s’agissaient des moments où ils travaillaient avec des artistes importants qui avaient une certaine manière de concevoir comme Matt Mullican, par exemple, ou Gino de Dominicis : des artistes qui créaient des œuvres in situ. On avait aussi créé un programme de résidence à laquelle on avait invité entre autres Chen Zen. Et les élèves passaient beaucoup de temps à regarder les artistes travailler dans leur atelier. C’était aussi quelque chose d’important de voir une œuvre se développer non seulement dans l’espace d’exposition mais aussi dès le début de sa création. L’exposition d’Alghiero Boetti a aussi été une profonde expérience pour les élèves.
MA : Je pensais aussi au prix que l’École du Magasin a remporté sous votre direction.
AvF : En 1993, j’ai été invitée à collaborer à la Biennale de Venise avec toute l’École. L’expérience de cette année-là c’était d’aller travailler six mois à Venise dans tous les pavillons et toutes les expositions collectives. Cette expérience de travail hors-les-mur a été très forte pour tout le monde. Certains ont travaillé avec Flash Art sur la réalisation du catalogue ; d’autres travaillaient avec des artistes en particulier. Le Pavillon russe, par exemple, n’avait pas de curateur compte tenu du moment historique, donc ils ont aussi beaucoup travaillé sur le concept avec les artistes. Tout le monde était tellement content de notre travail à la Biennale de Venise qu’on nous a donné un prix officiel devant le jury et le président de la Biennale. Ce diplôme était accroché dans une grande salle où tout le monde se retrouvait et où j’avais mon bureau. Elle était grande, ouverte, aux rez-de-chaussée, tout le monde y transitait (et il y avait des bureaux aussi au-dessus de la cafétéria où ils allaient étudier, travailler, faire de la recherche).
MA : Et à la find de l’année, les élèves étaient aussi amenés à présenter un projet, n’est-ce pas ?
AvF : À la fin de l’année, ils réalisaient un projet collectif qu’ils exposaient dans les galeries. Chacun choisissait des artistes. Et ils faisaient également une publication. Je crois qu’il y avait plus de moyens à l’époque et puis ça coûtait moins cher qu’aujourd’hui. Produire de l’art coûtait moins cher.
MA : L’expérience du voyage paraît aussi très importante pour la formation de ces élèves, beaucoup plus à votre époque qu’ensuite.
AvF : C’était décidé depuis le départ : les élèves devaient s’organiser pour faire un voyage. Ils se débrouillaient avec un petit budget et peu de moyens, ils allaient voir des institutions surtout en Europe et essayaient de comprendre des façons de travailler dans des centres d’art ou musées. Ce qui donnait lieu à des échanges riches, notamment dans le contexte des stages que les étudiants pouvaient faire ensuite auprès de ces institutions. Le but était de créer des relations directes et personnelles, pas formelles. Ils étaient bien reçus et appréciés par les directeurs et les curateurs de ces institutions. C’était aussi plus simple de créer des relations à l’époque car les directeurs étaient beaucoup moins arrogants qu’aujourd’hui. C’était l’artiste qui était le protagoniste et les directeurs artistiques étaient donc plus en retrait et avaient des relations beaucoup plus simple avec les gens du métier. Il n’y avait pas de hiérarchies sinon par les capacités professionnelles, l’enthousiasme et l’énergie.
MA : Le modèle de l’École a eu du succès en France et à l’étranger.
AvF : Oui, on a été copié par beaucoup d’autres institutions comme De Appel. La seule école curatoriale qui existait avant c’était celle du Whitney Museum à New York.
MA : On m’a dit que le Master à l’Université de Rennes a été créé avant l’École du Magasin ?
AvF : Oui, mais c’était différent de l’École du Magasin, absolument, dans la mesure où eux étaient dans une université et nous dans un centre d’art. Pour moi cette distinction est centrale.
MA : Et quelle est, à votre avis, la différence avec les écoles curatoriales qui existent aujourd’hui ?
AvF : C’est que le Magasin était pensé comme une institution d’art d’abord. Il accueillait une école, il n’en était pas une. On pouvait voir le résultat du travail de l’École dans ce centre, dont elle bénéficiait aussi. Les pratiques curatoriales n’étaient pas l’objet d’une formation parmi celles proposées par un centre de recherche ou une université. De Appel est peut-être la seule école de ce type, ils ont été les premiers à prendre l’exemple. L’École du Magasin a aussi été la première institution à travailler sur le concept naissant des Nouveaux Commanditaires, avant même que cette initiative naisse. François Hers, qui a développé cette initiative, venait souvent à l’École. Les élèves travaillaient déjà à créer des relations entre des artistes et des groupes citoyens qui étaient les nouveaux commanditaires. Aujourd’hui, le porgramme des Nouveaux Commanditaires a été repris dans différents lieux mais nous étions les premiers à l’expérimenter.
MA : Au départ, à l’École du Magasin, les élèves étaient appelés à être médiateurs…
AvF : Oui, mais moi je n’aimais pas cette définition de médiateur entre l’œuvre et le public, je trouvais ça réducteur (ce n’est qu’une des tâches du commissaire) et je préfèrais le terme de commissaire d’exposition.
MA : Est-ce que vous avez gardé des rapports avec le Magasin après votre départ ?
AvF : Avec mes élèves, toujours. J’ai travaillé avec plusieurs d’entre eux que ce soit à Rome, Marseille…
MA : Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ?
AvF : Je n’ai jamais vu nulle part une école comme l’École du Magasin.
Interview with Alice Vergara-Bastiand (FR)
Entretien avec Alice Vergara-Bastiand
réalisé par Damien Airault
16.05.2018
Damien Airault : On va commencer par des données biographiques très simples. Tu es née en quelle année et où ?
Alice Vergara-Bastiand : Je suis née en 1952 à La Voulte dans l’Ardèche de façon un peu hasardeuse parce que mes parents sont des réfugiés espagnols. Et il s’avère qu’ils étaient assignés à résidence en Ardèche.
DA : Est-ce que tu peux nous dire où tu étais avant la création du Magasin et comment tu t’es retrouvée parachutée dans cette histoire ?
AV-B : En fait j’ai été pendant presque une dizaine d’années à l’étranger en suivant mon mari de l’époque qui était coopérant culturel. Donc on était en Arabie Saoudite, dans les Émirats, mais dans les années 1970, ce qui est un peu cocasse. Et je suis rentrée en 1985 à Grenoble qui était ma ville d’attache. Pour essayer de me remettre dans l’écriture franco-française et européenne, parce que j’étais très perdue après dix ans de désert et de navigation dans tout le Moyen-Orient. Je suis entrée dans un cycle de formations organisé par Peuple et Culture.
DA : Association dans laquelle travaillait Yves Robert aussi.
AV-B : Effectivement, association dans laquelle Yves Robert a travaillé mais on ne s’est pas rencontré. J’étais dans un programme qui s’appelait « Programme de formation d’attaché culturel » ce qui était un peu pompeux parce que venant de l’étranger, un attaché culturel d’ambassade je savais ce que c’était, et là en l’occurrence ça n’avait rien à voir !
DA : Et ça c’était à Grenoble ?
AV-B : C’était à Grenoble. On est dans une époque, milieu des années 1980, où subsistent à Grenoble des forts courants d’éducation populaire, qui ont toujours été très animés. Pas seulement à Grenoble mais aussi en Rhône-Alpes. Soit Travail et Culture qui était plutôt d’obédience communiste, ou qui était de gauche également mais peut-être plus socialiste on va dire.
C’est là qu’est arrivée une annonce d’emploi pour être assistant du directeur du futur Magasin qui n’était à l’époque encore que l’association de préfiguration du CNAC (Centre National d’Art Contemporain). Et on m’a proposé de me présenter, j’ai été auditionnée par Jacques Guillot et j’ai été embauchée.
DA : On est en été 1985 ?
AV-B : Non, on est plutôt à la fin de l’hiver–début du printemps 1986 parce que je suis embauchée et prend mon poste en avril 1986, le surlendemain de l’énorme vernissage d’ouverture du lieu.
J’arrive et il n’y a personne parce que les gens ont tellement travaillé et fait beaucoup la fête que l’équipe est désertée. Donc je réponds au téléphone, j’ouvre la porte, je suis là, je prends mes marques.
DAfin d’hiver : Quel était ton poste exactement ?
AV-B : Assistante de direction : je suis embauchée pour faire un travail d’administration et pour m’occuper spécifiquement des « dossiers du directeur », ce qui va être par exemple des dossiers de production. À l’époque il n’y a pas d’ordinateur – j’ai l’impression de parler des années 1940. On est encore avec des machines à écrire et on veut publier des catalogues donc je fais beaucoup de frappe de documents. C’est vrai que j’étais assez à l’aise en anglais donc je tapais en français comme en anglais etc. Et je travaillais en synergie avec Jacques Guillot sur ses dossiers et en synergie avec Victoire [Dubruel] qui elle était Chargée des relations extérieures.
Nous avons tout à monter. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas de fichier, il fallait donc le créer. Il fallait acheter un ordinateur et lui faire ingurgiter ce fichier pour qu’il nous ressorte les adresses en étiquettes, etc. On est dans une époque où le travail est encore dépendant de compétences je dirais « manuelles ». Et dans mon bureau, je vais créer un très grand planning de l’année qui va intégrer toutes les actions : les campagnes de communication, comme les campagnes de production des œuvres, les moments d’arrivée des artistes, les moments de sortie des catalogues etc. Je vais créer un planning qui va intégrer toute l’activité puisqu’on a démarré l’activité mais on ne sait pas tout à fait ce qu’elle va être.
DA : Avant de revenir sur ce point, est-ce que tu peux, par séquences, me donner tes différentes fonctions à l’intérieur du Magasin ?
AV-B : De 1986 à 1989 je suis l’assistante du directeur, sur le plan administratif dans un premier temps puis petit à petit je vais aller vers les questions artistiques et notamment la question de l’organisation de l’exposition en termes de réunions d’équipe, organisation du chantier, plannings… Pourquoi ce glissement ? En fait ça fait dix ans que je fais de la production culturelle à l’étranger dans des conditions extrêmement sportives et quand j’arrive au Magasin j’ai l’impression que tout le monde se prend un peu la tête pour des choses qui sont assez faciles à régler. Petit à petit je vais faire des propositions, je vais aider le premier régisseur qui lui apprend son métier, il est technicien en fait mais ne sait pas ce qu’est une régie. Petit à petit, je l’aide à construire son poste de travail, pas toute seule bien entendu. La question du collectif est très importante…
DA : Pour l’instant nous sommes sur des questions de dates.
AV-B : En 1989, le Magasin change de direction et là on va me confier la création de la librairie. C’est presque un faux projet, je dirais, au départ. C’est éventuellement me mettre un défi sur les bras pour qu’éventuellement je parte… Adelina (von Fürstenberg) s’est séparée de la Secrétaire Générale, de Victoire (la Chargée des relations extérieures), de Franz Kaiser qui est le curateur en fait, et je suis aussi sur la sellette parce que très identifiée à cette équipe-là. Effectivement nous avons beaucoup travaillé collectivement et d’une façon forte.
Elle vient avec une équipe donc elle n’a pas besoin de moi comme Secrétaire de direction. Elle est très cash et elle me dit en gros, « Je sais que toi tu es une tête dure », même si ce n’est pas tout à fait l’expression qu’elle a utilisée, elle est encore plus cocasse.
Elle me propose de créer une librairie et je le vis comme un challenge. Je n’ai pas trop le choix en fait : soit je prends cette opportunité, soit la porte. Je trouve les librairies géniales donc je dis oui bien sûr, sauf qu’elle a déjà organisé le transfert d’un fond de livres d’une librairie turinoise vers la librairie du Magasin parce qu’il faut bien mettre des livres sur les étagères.
J’ai occupé ce poste de 1989 à 1996 jusqu’à ce qu’Yves [Aupetitallot] arrive. Je vais créer l’activité de la librairie sur le plan commercial. Comme j’ai un bagage de gestion, je sais déplacer mes savoirs en fonction d’une activité.
À partir de 1996 ou fin 1995-début 1996, il me convoque en me disant : « Alice j’adore la librairie, je sais le travail que vous faites, mais je ne peux pas vous garder à ce seul poste parce que j’ai besoin qu’on crée une activité solide pour les publics. C’est une demande institutionnelle extrêmement forte et je suis obligé de la remplir. Donc je vous propose de créer ce département et de vous occuper de ce secteur. » En fait j’ai démissionné de l’Éducation nationale avant de partir à l’étranger…
DA : Comme professeur de ?
AV-B : J’étais professeur de Technique administrative et économique dans les lycées techniques. Je lui dis spontanément : « Attendez, j’ai quitté l’Éducation nationale, je n’ai pas du tout envie de m’occuper des profs… » Il me dit : « On ne peut pas faire autrement. Je vous donne quinze jours, écrivez-moi un projet. » Je me mets donc à créer un projet et à le conceptualiser avant tout, et c’est le moment où je commence à réfléchir à la spécificité d’une médiation pour un art qui est fait soit in situ, et qui éventuellement ne se conserve pas, soit pour le moment d’une exposition, le fait d’une exposition, ce qui est autre chose qu’une collection. Parce que c’est une époque où on nous demande (le « on » c’est beaucoup l’Éducation nationale, beaucoup le Ministère de la culture) de créer des instances de médiation en nous donnant comme modèle de réussite le musée. Le musée qui a ouvert des ateliers de pratique pour les enfants, qui fait une espèce de décorticage de l’œuvre au point d’oublier que ce sont des œuvres, etc. J’ai un regard très critique à cet égard : je ne pense pas qu’on puisse transposer sans dommages un modèle vers un autre. Donc je pose ça comme un sujet de réflexion et c’est avant que les formations de médiation ne soient créées à l’Université. Elles vont être créées à partir de 1997-1998.
DA : En 1992 avec Jean-Marc Poinsot, on parle de métiers de l’exposition au sens plus large…
AV-B : Ah oui, ce que fait Poinsot à la MST de Rennes est très inspiré de l’École. « Inspiré » dans ma bouche cela veut dire que (et ce sera le cas pour pas mal de cursus et de propositions de formation qui ont ouvert notamment à l’étranger), parce que l’École existait et pouvait rencontrer ses objectifs propres, cela permettait d’aller plaider dans d’autres endroits la possibilité d’ouvrir un cours…
DA : Après cette période de construction du « service des publics » ?
AV-B : Là je fais les deux, École et publics, et à partir de 1999-2000, je vais m’occuper de l’École. En 1999 il y a une situation de crise à l’École parce qu’il y a un collectif d’artistes qui est venu, qui a postulé et qui a été choisi. C’est un collectif déjà très autonome et émancipé et qui est venu pour faire un projet artistique et la question curatoriale n’est pas forcément leur lieu d’étude. Et la jeune femme qui est assistante sur l’École, et qui est issue d’une formation relativement classique et académique, ne s’est jamais confronté à un collectif dur politiquement.
DA : Son nom ?
AV-B : C’est Véronique Terrier-Hermann.
Alejandra Riera, Dean Inkster et Caecilia Tripp ont postulé en collectif et ils vont habiter un des appartements-atelier de La Villeneuve, quartier où j’habite. Du coup je comprends, je passe de temps en temps à l’atelier, ils sont très positionnés et ils sont venus faire des choses bien précises. Et l’École telle qu’elle est faite habituellement les concerne très moyennement.
En gros je dirais qu’ils sont venus prendre en main cette situation pour faire un projet qu’ils avaient d’ailleurs annoncé dès la candidature pour qu’il n’y ait pas de surprise. Sauf qu’ils étaient déjà assez émancipés et assez durs en fait et c’était compliqué pour cette jeune assistante. Les driver était complètement impossible. Et même dans la relation aux « enseignants » ou à l’équipe pédagogique, ce n’était pas simple.
Dans cette période de crise, Yves m’a demandé de prendre la suite de cette jeune femme, mais simplement pour faire la preuve du projet, qui était un projet très intéressant, c’était Radio temporaire, une série d’émissions radiophoniques à la Radio Suisse Romande à Genève. Ça donnait forme curatoriale, c’était extrêmement intéressant.
C’est le moment où on quitte la notion du White Cube, qui était presque le modèle unique, pour appréhender de nombreuses autres formes de présentation d’artistes : un artiste parle, il crée d’autres choses que des formes esthétiques, il a un discours, etc. À partir de 2000, il y a une réunion à Genève avec Lionel Bovier, Catherine Quéloz, Liliane Schneiter, Yves Aupetitallot et moi où l’équipe genevoise, qui est en fait l’équipe qui encadre l’École, demande à Yves que je devienne responsable de l’École.DA : Quand Catherine et Liliane sont-elles arrivées ?
AV-B : D’abord Catherine, dès 1996, commanditée par Yves, qui la connaît comme historienne de l’art – ils ont déjà travaillé ensemble. Il l’a repérée et Catherine a elle-même suivi un cursus à New York, un cursus plutôt artistique où il y avait déjà des historiens, des curateurs, etc. Elle a donc une idée de cette formation. En même temps elle est incontestable du point de vue de sa formation. Donc c’est elle qui arrive en premier.
Lionel Bovier est un jeune historien de l’art qui fait des projets à Genève – il a notamment déjà créé JRP, un espace qui est aussi un lieu d’édition. Son espace de travail est, je dirais, l’espace du livre. Les deux vont solliciter Liliane Schneiter qui va venir conforter l’équipe, apportant quelque chose de singulier puisqu’elle est à la fois médiéviste, philosophe et spécialiste du corpus de Walter Benjamin. Et c’est l’époque où elle est en plein dans la réflexion sur le numérique qu’elle va appeler la « digitalité », la question de l’espace numérique. Elle apporte aussi cela. Par la suite on va faire cette demande aux différentes sessions de l’École de créer leur site Internet comme un espace de publication, de communication, mais également de sens.
DA : Comment se termine tout ça ? En quelle année ?
AV-B : Je pars en novembre 2007 après une année somme toute assez difficile où si tu veux il y a une contestation interne, c’est-à-dire que Yves souhaite reprendre l’École. Il y a déjà des choses assez symboliques. À un moment donné j’étais directrice de l’École et puis ce terme le gênait, donc il me disait de temps en temps, mais sans trop assumer la chose : « Il n’y a qu’un directeur au Magasin ». Oui, bien sûr, ça n’a jamais été contesté et moi-même je suis très peu intéressée par les titres et les fonctions et, d’ailleurs comme Catherine et Liliane, nous partageons l’idée que c’est souvent une préoccupation de hiérarchie plutôt masculine. Ce qui nous intéresse c’est de pouvoir faire des choses et de revendiquer ce qu’on a fait et non pas un titre « qui permet de ». J’ai abandonné ce titre de directrice sans trop de difficultés pour être la coordinatrice du programme et pendant tout un temps le programme était élaboré dans une première partie en équipe pédagogique puis, en deuxième partie, par les étudiants, puis en troisième partie dans une forme de synergie. Disons-le comme ça pour être très simple.
Ce qui s’est passé au cours des deux dernières années, c’est que Yves a imposé des sujets de travail et des sujets que nous trouvions (équipe pédagogique mais aussi étudiants) des sujets déjà parcourus, déjà labourés et peu prospectifs.
Je te donne un exemple : il a voulu à un moment donné que l’on travaille avec les Herbert, ces personnes merveilleuses qui sont à Gand et qui ont créé une fondation avec un lieu que l’on peut visiter sur rendez-vous et qui est l’équivalent d’une collection d’art contemporain muséale. Et pour nous, travailler sur cette collection, alors qu’elle avait été montrée très extensivement au MACBA à Barcelone avec un catalogue déjà de 300 pages, puis l’année d’après à Vienne en Autriche avec un deuxième catalogue, on ne voyait pas l’intérêt de le faire. Du coup il y a eu une controverse, notamment parce qu’il y avait une fille de l’École qui venait de l’École du Louvre, Virginie Bobin, qui elle-même avait travaillé pour sa Maîtrise sur les collectionneurs privés, qui disait que pour elle c’était une redite, et qu’elle n’était pas venue à l’École du Magasin pour avoir quelque chose qui était extrêmement bien traité dans le cadre de l’École du Louvre et qui ne peut pas l’être aussi bien dans le cadre de l’École. Sa démarche était de créer une alternative : quitter le registre de la pure histoire de l’art et être sur le terrain et produire son projet avec les autres. C’est ce scénario d’invention qu’elle était venue vivre.
Évidemment il y a eu de grosses tractations. Tu imagines que j’étais au milieu de cette affaire et je pense qu’avec Catherine et Liliane on peut nous rendre grâce du fait qu’on ne se laisse pas souvent piéger dans des situations. Nous avons donc fait une proposition : d’abord, j’ai demandé aux étudiants d’aller à Gand, de revenir avec de la documentation ce qui voulait dire forcer un peu les portes parce que ces deux collectionneurs se comportaient comme des collectionneurs qui font très attention à leurs œuvres (pas d’images, il faut demander des autorisations pour tout, etc.), et du coup je pensais nécessaire d’impulser une petite attitude transgressive, et pas agressive. Et de signifier à ces collectionneurs la nécessité de garder une collection dans une perspective vivante, ce qu’on appelle l’« actualisation ».
Ce qui a été génial dans la rencontre avec Liliane Schneiter c’est, via Benjamin, de parler d’une façon assez récurrente de cette question de l’actualisation. Alors une collection est un corps mort ? Ou est-ce qu’on peut créer une situation d’actualisation ? C’est ce que nous avons fait. On a déplacé le propos. Il y avait des convergences assez drôles, je dirais : c’est que les Herbert arrêtent leur collection, ils prennent la décision de ne plus collectionner en 1989, et ils le disent, c’est lui qui dit : « Je ne comprends plus l’art ! Je vois des œuvres, je rencontre des artistes, je n’arrive plus à comprendre ce qui se passe, donc je vais arrêter de collectionner ! » Il va à New York régulièrement et c’est là-bas qu’il prend cette décision. Et à New York il va visiter l’atelier de Sol Lewitt, et deux étages au-dessus ou en-dessous, il y a Adrian Piper qui habite et travaille. Et nous on va dire aux étudiants : « Mettons-nous dans l’utopie qu’il serait allé chez Piper. » C’est-à-dire voir tous ces artistes qu’il ne comprenait pas, ces artistes conceptuels très critiques, ces artistes qu’il dit faire « trop de critique sociale et politique. Ce n’est pas ça l’art. » Ce qui est quand même un peu étrange pour quelqu’un qui a essentiellement collectionné de l’art minimal et conceptuel, mais on voit ce décrochage. Et nous, pour l’exposition que l’on va essayer d’impulser (il y a tout un travail avec les étudiants, ce sont les étudiants qui prennent les décisions), on va essayer de les faire travailler sur un postulat : « On continuerait la collection. ». « Vous êtes des curateurs, qu’est-ce que vous proposeriez aux Herbert de collectionner à partir de 1989, chute du mur de Berlin, période aussi de tout ce travail critique sur les sexualités, etc. » On a travaillé dans une période de l’École sur AIDS RIOT, c’est-à-dire ces mouvements artistiques qui vont prendre parti contre Reagan, à l’égard des personnes atteintes du VIH. On se dit, « Post-1988-89 tous ces mouvements émergent, on proposerait donc aux Herbert une continuité de collection à partir de cet environnement. »
DA : On va revenir à une notion que tu as abordée au tout début qui est celle de « collectif » très présente dans les modes de fonctionnement au début en 1986 et qu’on voit aussi dans les problématiques méthodologiques de l’École. Les élèves sont parachutés, ils doivent se rencontrer et faire quelque chose ensemble. Comment cette question du collectif est-elle pensée à l’origine et comment est-elle développée ? Comment la conçois-tu et l’as-tu conçue comme coordinatrice/directrice de l’École ?
AV-B : En fait au départ je ne crois pas qu’il y ait la volonté de créer des collectifs, parce que déjà si tu considères lla fin des années 1980, évidemment il y a eu des collectifs artistiques dans les années 1960, comme le GRAV et on peut en citer plein… Mais en 1986 on n’envisage pas l’École comme devant poser la question d’une élaboration collective. Il se trouve qu’on dira qu’on ouvre une session, qu’il y a peu d’individus (entre 6 et 8, quelques fois jusqu’à 10-12), c’est quand même assez restreint. Et on voit vite que, dans les fonctionnements, l’espace de l’École est relativement réduit. Il faut quand même bien vivre et travailler ensemble.
DA : À l’intérieur de l’École ou avec le Centre d’art ?
AV-B : À l’intérieur de l’École, parce que, de tous temps, il n’y a pas eu beaucoup d’interactions avec le Centre d’art. Il y en a eu un peu…
DA : Au tout début.
AV-B : Oui, parce que Victoire s’occupait de la programmation des activités de l’École. Mais les étudiants étaient aussi beaucoup en autonomie, donc il y avait des « recommandations » d’organiser des voyages. Il y avait par exemple beaucoup de voyages d’étude, notamment parce qu’à l’époque les sessions de l’École sont constituées notamment de jeunes français qui soit sortent de l’université avec un niveau Licence ou Maîtrise, soit sortent d’une activité culturelle, c’est le cas d’Yves Robert dont on parlait par exemple. Et on ne connaît pas du tout la situation de l’art contemporain au-delà de nos frontières. On ne la connaît déjà pas très bien en France, à vrai dire.
Et donc effectivement il va y avoir de nombreux voyages d’étude pour aller rencontrer ces situations : évidemment déjà des protagonistes, il y a le besoin de rencontrer des gens qui réfléchissent cela et il faut se rappeler que c’est un moment où il y a peu de moyens de communication. Il suffit de se rappeler de la façon dont Szeemann travaillait à la Fabrica avec cette collecte incessante de documents, ne serait-ce que des cartons d’invitation, qui portaient témoignage de géographies (tel artiste passé dans tel endroit pour faire telle et telle chose). Je pense qu’on a du mal désormais à se rendre compte de ce contexte.
On est dans une période où il faut aller chercher l’information, donc on va demander aux étudiants d’organiser des voyages, des périples assez longs, et ils vont partir aussi en stage auprès de personnalités, françaises ou étrangères, qui sont chargées de programmes.
C’est ce qui va aider la notoriété de l’École parce qu’elle n’a pas encore grand-chose, mais elle est déjà très connue par la singularité, l’originalité de sa structure et de son projet.
DA : Il y a quelque chose aussi de l’investissement, surtout dans la période d’Adelina, des élèves dans la production des œuvres in situ. En tout cas un accompagnement des artistes à la réflexion à l’intérieur de l’espace.
AV-B : Tout à fait. Et aussi elle va organiser les choses de telle sorte que les étudiants partent à Venise travailler avec le commissaire, je crois, qui s’occupe de la Corderie ou de l’Arsenal. C’est l’époque de Sylvia Amar qui travaille au Mucem maintenant. Ils vont passer au moins deux mois à Venise à monter les projets, accompagner les curateurs et produire avec les artistes qui sont là.
DA : Pour l’anecdote historique, Adelina parle d’un prix reçu par les élèves à Venise.
AV-B : Absolument, en 1994 – il faut vérifier. Ils ont un diplôme que j’ai laissé dans les archives. Un diplôme encadré un peu kitsch avec le lion de Venise. C’est l’expression d’un remerciement pour l’École du Magasin. C’était tout le savoir-faire d’Adelina, à qui il faut rendre justice.
Tu sais que je m’exprime toujours librement. Je dirais qu’elle n’a pas tout à fait compris le projet de l’École en terme de projet curatorial, c’est-à-dire un sujet à travailler théoriquement mais aussi par le faire, la fabrique d’une exposition.
Tu as des façons de travailler la question de l’exposition, entre ces trois directeurs, très différentes. Et de 1986 à 2011 ou 2012, tu as presque trois périodes d’art contemporain.
DA : J’écoutais ces derniers jour l’interview d’Adelina. Dans son projet initial l’École annonce la formation de médiateurs au sens élargi, comme tu le disais au téléphone et comme tu le dis dans l’interview avec Laurent (Jeanpierre) : des gens qui créent des contextes, qui créent des supports, qui questionnent l’exposition dans son ensemble – dans son contenu mais aussi dans son contexte, sa communication, sa médiation et qui sont aussi des relais entre l’espace et l’œuvre, entre les œuvres, entre l’atelier et le public, entre le public et les œuvres, entre l’artiste…
AV-B : Entre l’artiste et l’institution. Je pense que c’était la motivation première. Je ne sais pas si Victoire te confirmera ça mais vraiment ce mot de « médiation » a porté préjudice à l’École parce que, vu qu’il a été garni par la suite et du coup rigidifié dans son acception, rétrospectivement il est complètement inadéquat et il a fomenté des critiques extrêmement douloureuses pour l’École. Elles étaient de dire, « Mais vous êtes de piètres médiateurs, vous êtes incapables de former des médiateurs ! »
DA : Et Adelina prend cela par dépit et se trouve obligée de dire que ce terme « médiateur », parce qu’il a été réduit au début des années 1990, est trop réducteur et qu’il faut trouver d’autres formulations qui sont le curatorial, la question de l’exposition, et de remettre ça dans une pratique très importante. La troisième phase, là où toi tu interviens, c’est une remise non pas dans la pratique mais une remise dans la théorie, justement avec Liliane et Catherine.
AV-B : C’est aussi qu’il faudrait dire, pour ne pas faire d’anachronisme, qu’il y a entre 1986 et 2000 une explosion de l’art contemporain en France. Tu as la création de plusieurs dizaines de centres d’art qui vont travailler en contexte : tu n’as pas une région qui ne crée pas son centre d’art contemporain. Alors que quand on démarre l’École, la préoccupation de Jacques Guillot c’est de permettre à des artistes de pouvoir travailler comme ils le souhaitent et il sait qu’il n’y a pas l’institution qui le permet. Il se base sur l’exemple de Buren, qui va écrire un texte contre l’institution, qui dit qu’il ne veut pas travailler au musée, qu’il va travailler ailleurs, dans la rue, etc. Donc la préoccupation de Jacques Guillot c’est de dire…
DA : C’est drôle comme exemple historiquement parce que Buren ne veut pas travailler avec les musées, il incendie aussi Szeemann, ne voulant pas servir de « couleur » dans la « peinture » que devient l’exposition…
AV-B : Oui, mais il va quand même à Berne, et il n’y est pas invité. Il le raconte, d’ailleurs, il a vécu une galère totale pour prendre le train, débarquer à Berne, faire son travail…
(rires)
Peu importe je n’ai pas de jugement de valeur par rapport à ça, parce qu’effectivement il voudrait être de cette exposition, mais il n’est pas invité.
DA : C’est un drôle d’exemple de construire un centre d’art à partir du modèle ou des textes de Buren…
AV-B : Il n’y a pas de trajet aussi serré et aussi direct. Je parle plus des questions de contexte parce qu’en 1986, lorsqu’on ouvre le Magasin, on ouvre avec, dans ce qu’on appelle la « rue », une superbe installation de Buren et en même temps il y a l’ouverture du Palais Royal qui provoque une manifestation. Et je crois qu’en 1989 nous allons présenter à nouveau Buren avec l’œuvre qu’il a faite avec les palissades du Palais Royal. Elles ont été graffitées et Patrick Bouchain va les mettre sur un camion-plateau et les envoyer au Magasin. Nous allons les planquer, les garder pendant quelques années avant que Buren puisse les ressortir et en faire une nouvelle œuvre, on travaillait dans ce contexte-là. Le Magasin a été voulu par un gouvernement de gauche, celui de Mitterrand. Jack Lang est à la Culture. Il y a tout un personnel au Ministère de la Culture qui réfléchit la question de la diffusion de l’art contemporain. Il y a la création des FRAC. Il y a l’émergence des centres d’art même si, comme je te le disais l’autre fois, le Magasin n’est pas le premier : le CAPC existe déjà, le Nouveau Musée à Villeurbanne également, le Consortium émerge aussi.
On n’a pas tout à fait de modèle en tête mais cette configuration voulue par un gouvernement de gauche sera inaugurée par un gouvernement de droite qui remet en question l’œuvre du Palais Royal, et qui éventuellement va un peu attiser la polémique qui est autour de cette œuvre. Il y a le sentiment je pense chez Guillot que de toute façon il y aura toujours une difficulté à créer du projet in situ, du projet sur lequel on n’a pas de recul, comme tu peux l’avoir dans une collection ou même dans une exposition temporaire lorsque tu travailles un sujet du point de vue d’une histoire. Or là le centre d’art, sa principale qualification c’est de programmer des artistes qui viennent et travaillent sur le lieu et définissent l’exposition, floutant la frontière qui existait encore à l’époque entre l’atelier et le lieu d’exposition.
C’est pour ça que je te parle de Buren, parce que je pense qu’il en est un de protagonistes majeurs. Et c’est vrai qu’une des très belles expositions qu’on a eue au début du Magasin c’est Pistoletto qui va venir se geler les miches pendant un mois entier à charbonner des lais de papier immenses qu’on va accrocher. Il fait parti de ces gens qui viennent et qui ont fait un vague dessin, puis qui sont là et passent du temps, prennent une sorte de « mesure mentale », et se mettent au travail, et l’œuvre se crée devant nous. On est dans quelque chose qui marque son époque.
DA : Tu parles aussi dans l’entretien avec Laurent d’une médiation qui doit assumer l’éphémérité de la construction, ce qui change complètement le discours muséal historiciste, surplombant.
AV-B : En fait je pense que dans ce contexte d’une œuvre dont on a vu l’émergence jour après jour, il est absolument nécessaire de commenter, de dire cette émergence, et d’en dire quelque chose. Pour moi il était impensable de voir Pistoletto à genoux tous les jours, en train de crayonner ses lais de papier, et de ne pas dire cette situation. Parce que l’œuvre, une fois installée, était dans une forme de majesté, parce que le lieu était complètement sublimant. Tu mettais n’importe quel boulot dans la rue du Magasin, lorsque l’artiste avait su gérer la rivalité architectonique qui existait dans la rue, les œuvres étaient complètement sublimées.
Si tu veux je me méfie beaucoup du sentiment d’admiration qui est assez vite provoqué par des œuvres géantes. Elles impressionnent parce qu’il y a du « matos ». À la fois c’est un sentiment légitime, je pense qu’il est spontané, il ne s’agit pas de le brimer ou quoi que ce soit, mais il s’agit de le déconstruire. Et en déconstruisant cela on dit aussi ce qu’est une œuvre. Une œuvre, à l’égard d’un public qui ne se pose pas forcément toutes ces questions, ce n’est plus un objet déterminé, accroché dans un contexte de collection où tous les apanages institutionnels désignent que c’est une œuvre.
Quand tu rentres dans une salle où tu as des lais de papier charbonné sur cinq mètres de haut, dire que c’est une œuvre à l’époque (désormais c’est le fait de l’art contemporain) c’est déjà un pas considérable. Cela jouxte aussi la question du travail de l’artiste.
DA : Cette question du dispositif, qui est dans une sorte de matérialisme marxiste, qu’on va avoir par exemple dans le cinéma de la Nouvelle Vague, quand Rivette se promène dans la rue et tout à coup les gens regardent l’objectif, on voit le mode de production du film dans l’image.
AV-B : Tu as quelque chose de cet ordre, d’autant plus que pour Pistoletto l’exposition se passe en deux temps. Il y a un premier vernissage, une première ouverture qui est lorsqu’il a fini de charbonner tous ses papiers et que la rue est « tapissée ». Et une deuxième ouverture, je crois que c’est un mois ou un mois et demi après, lorsqu’il pose au fond de la rue un miroir monumental qui fait bien quatre mètres de haut, qu’on va faire fabriquer, sur une énorme construction de bois, et qui reflète la porte du Magasin donc reflète le passage des spectateurs quand ils entrent et se retrouvent dans l’in situ de l’oeuvre.
DA : Trois ou quatre ans après Buren fait une œuvre similaire au CAPC en mettant un énorme miroir sur le sol de la nef…
AV-B : Absolument !
DA : Est-ce qu’on peut parler de ces trois phases du curatorial à l’intérieur de la pédagogie de l’École ?
AV-B : J’ai l’impression, mais peut-être que je me trompe, que le mot « curatorial » arrive à l’École avec Catherine et Liliane. C’est un mot qui existe dans l’espace international qui est le leur, et qui est notamment la Suisse alémanique.
DA : Je pensais qu’il arrivait avec toi…
AV-B : Mais moi j’arrive après Catherine et Liliane. Elles arrivent en 1996-1997, et moi j’arrive en 1999-2000. Non, je pense vraiment que ce mot vient des suisses, qui ont comme tu le sais un « pitching » suisse avec un mélange de vocables internationaux. On parle du commissariat d’exposition et je crois que ce sont les suisses qui amènent cette question du curatorship, mais ce n’est pas égal, ou un contenu apparité. C’est-à-dire que la question curatoriale n’est pas simplement celle du commissariat. Il y a de la valeur ajoutée, qui est peut-être ce qui va revenir dans le commissariat – si nous parlions maintenant du commissariat on y retrouverait ces dimensions curatoriales auxquelles je fais référence.
DA : Quelle est cette valeur ajoutée ?
AV-B : C’est cette notion de « faire projet » au-delà de l’installation d’une œuvre, et c’est vraiment cette question contextuelle. On est toujours en dehors d’une sphère de recherche historique, d’archive, etc. ; on est dans un travail avec des artistes qui viennent et créent une œuvre. Je pense qu’à l’époque le commissariat s’inquiète beaucoup des valeurs spatiales, le contexte comme un lieu, et le curatorial poserait le contexte comme un lieu dans une histoire et le projet inhérent à ces deux choses, d’où d’ailleurs, à ce moment-là, la floraison dans les formations curatoriales d’exposition relevant de l’archive. Qui, avant cela, produit des expositions issues de l’archive au point de valoriser une photocopie archivistique au même titre qu’une œuvre ?
DA : Pour moi c’est très discutable mais ce n’est pas le sujet… Pour moi l’archive ne vient pas de là…
AV-B : Je ne dis pas que c’est une pratique émergente du champ de l’art. C’est une pratique qui existe dans d’autres champs, notamment dans les sciences sociales, on fait exposition documentaire etc. Mais dans cette dimension (évidemment c’est mon approche), pour essayer d’instiguer une différenciation entre ce qu’on va appeler le commissariat et le pourquoi on n’utilise pas ce mot commissariat…
Je me rappelle du DRAC Rhône-Alpes qui m’avait envoyé un message très énervé parce qu’on avait fait un événement et j’avais mis «Organisé par l’École du Magasin – Formation professionnelle aux pratiques curatoriales », et il m’avait envoyé un message très hargneux, très critique, pensant que c’était du snobisme. Non, ce n’était pas du tout du snobisme, c’était essayer de trouver un mot qui permettait de dire plus que cette question simplement commissariale (production d’une exposition par le rassemblement d’œuvres dans un lieu et organisation de sa communication, etc.).
DA : Et dépasser du même coup les critères de la pédagogie institutionnelle avec ses compétences à cocher…
AV-B : Oui, bien sûr. Ça n’a jamais été tout à fait notre propos, même si on savait ce qu’un étudiant devait maîtriser. C’était davantage la question relationnelle à l’artiste, mais relationnelle comme Bourriaud emploierait ce terme.
(Pause)
DA : En tant que coordinatrice ou directrice, qu’est-ce que tu as mis en œuvre ? Au niveau des recrutements, du mode vie de l’École ?
AV-B : J’ai décidé de structurer l’activité, pour que l’appel à candidature soit bien diffusé en France et à l’étranger. Pour qu’il y ait une offre qui soit assez large et qui aille assez loin aussi. C’est pour ça qu’on a eu des candidats américains, de l’Extrême Orient et puis à un moment beaucoup d’Europe de l’Est par exemple. J’ai travaillé à l’autonomisation de l’École et c’est ça qui a été remis en question à un moment. J’ai affirmé cette autonomie.
DA : Autonomie par rapport à l’Université ?
AV-B : Autonomie tous azimuts. Déjà par rapport à l’institution : après Adelina, au moment où Yves arrive, il demande à Catherine de faire programme et le programme qui va se faire n’est pas très lié à l’activité même du Magasin. Il y a peu de moments où les étudiants vont se retrouver dans des salles à travailler avec des artistes ou autre chose de cet ordre. Ou qu’ils soient mêlés soit comme des assistants, comme des petites mains ou autres, dans les activités du centre d’art. C’est quand même très factuel, assez rare. Donc c’est déjà cette autonomie par rapport à la structure.
Ce pourquoi Yves appelle Catherine Quéloz, c’est qu’il sait qu’il y a un rapport qui a été rédigé sur l’École qui est assez dommageable dans le sens où les gens qui viennent évaluer l’École ne comprennent pas du tout l’objectif de ce cursus.
DA : C’est un rapport du Ministère ?
AV-B : Oui, et il y en a eu plusieurs. Il y en a un je crois qui date de 1992 et il y en aura un autre après en 1996. Il y a une ombre portée sur l’École parce que les gens qui l’évaluent n’arrivent absolument pas à identifier ce que c’est. Eux-mêmes sont issus de l’université donc ils ne retrouvent pas le cadre de rigueur scientifique, ou d’énoncés heuristiques, d’énoncés de recherche avec l’encadrement qui existe dans tout le milieu universitaire où tu as un directeur de recherche, etc.
Également, en termes de formation professionnelle (je vais jouer un peu de ces définitions), je vais dire : « C’est normal qu’on ne ressemble pas à une Université parce que nous ne sommes pas un cursus universitaire : nous sommes une formation professionnelle. » C’est le cas juridiquement et administrativement. On me dit alors : « C’est une formation professionnelle ? Dans ce cas il faudrait faire des statistiques sur l’« employabilité » des gens qui passent par l’école. » J’essaie alors de monter ces statistiques, d’où le fichier que je vais élaborer et qui sera visible sur le site de l’École. Je vais donc créer le site de l’École et y mettre tous les anciens qui y sont passés en créant des petites biolines et en faisant ce qui est un préalable à des newsletters où je vais actualiser les carrières des étudiants ou des gens qui sont passés à l’École.
Je vais aussi mettre en synergie l’École du Magasin avec les autres formations curatoriales. J’ai été envoyé par Adelina en 1992 ou 1993 à la Fondation De Appel lorsque cette fondation imaginait ouvrir un cursus curatorial et il y avait une séance devant le conseil d’administration de la fondation, pour que je présente ce qu’était l’École du Magasin.
De la même façon on ira au Royal College of Art à Londres faire des échanges. On ira aussi au CCC à Genève, dans d’autres circonstances on rencontrera notre collègue du ZHdK de Zürich qui était une école qui avait développé son cursus curatorial, etc. Il y a tout un ensemble d’écoles qui souhaitent éclore en Italie, en Espagne, etc., et on est mis à contribution de dire ce qu’est l’École. C’est la première fois où on est obligé de faire discours sur notre propre pratique.
DA : Est-ce qu’à ce moment où vous « re-rédigez » le projet il y a des traces écrites ? Parce que tu m’as dit au téléphone que finalement toutes ces conceptualisations étaient rarement mises au propre…
AV-B : Oui, c’est vrai. Ce n’était pas une difficulté d’écrire mais nous nous sommes toujours méfiés d’une écriture définitive. À côté de nous, peut-être en face de nous, l’institution (au sens de l’institution publique, financière, d’évaluation, etc.) nous demandait de nous figer dans un schéma. Sauf que c’était exactement ce qu’on ne voulait pas faire.
Il y avait des endroits, disons, de récurrences mais nous partions du principe que tout projet serait défini en fonction des protagonistes qui seraient réunis, sachant qu’il y avait des invariants : les gens que nous avons recrutés sont déjà des connaisseurs de l’art, ils viennent ici pour un projet consenti qui s’appelle une « formation aux pratiques curatoriales », qu’ils vont assumer de travailler à la fois dans l’institution et en dehors de l’institution et cela d’une façon assez autonome, qu’ils auront à prendre des responsabilités pour le groupe et pour eux-mêmes, etc. C’était le socle d’invariants mais le programme, au sens de « Qu’est-ce qu’on va faire cette année ? », était quelque chose qui était vraiment défini en fonction des capacités, des compétences, des origines « nationales » ou de formation des gens qui étaient réunis.
DA : Nous (la 11e Session 2001-2002) avons fait énormément de voyages et notre projet était assez flou, il s’est déterminé en mars ou en avril, complètement au dernier moment pour faire quelque chose d’assez « à l’arrache », mais il y avait une notion d’improvisation qui était inhérente à ce projet. L’année suivante, on propose au groupe de Nicolas [Fenouillat] un projet éditorial quasiment dès la rentrée avec l’arrivée de Fabrice Stroun et ils font beaucoup moins de voyages. Quand j’entends Nicolas j’ai presque l’impression qu’on n’était pas au même endroit…
AV-B : C’est très juste, et si tu réunissais au moins un protagoniste de chacune des sessions, vous auriez un récit extrêmement contrasté. Et il s’agirait d’aller à la recherche de ces invariants dont je parle.
Nous avions tendance à rectifier le tir d’une année sur l’autre. Quelque chose qui nous a paru insuffisamment travaillé, creusé, nous faisait aller vers une mise en œuvre dès le départ. Et là par exemple le fait de commanditer Fabrice pour un travail très précis de publication est assez rare. C’était parce qu’il y avait ce projet très singulier de publication possible mais ce n’était pas uniquement la question de l’opportunité, c’était sans doute aussi la nécessité de faire un lien entre une situation historique et politique et l’action des artistes.
DA : Peut-être dans les invariants il y a cette question du corpus théorique qui est amené par Catherine et Liliane. Avec Nicolas on a au moins un point commun que je retrouve chez tous les anciens élèves, on lisait énormément, on lisait en anglais, des choses inédites, on lisait Butler avant que ce soit traduit, on lisait Harraway, on lisait Marion von Osten, voire même on allait les rencontrer… Quelle est justement cette place de la philosophie, des Cultural Studies, des sciences sociales, très inspirées de l’École de Birmingham et de l’École de Francfort à l’intérieur de l’École ? Parce que par là passent aussi des ambitions, des contenus, des prismes politiques.
AV-B : Absolument. Catherine et Liliane ont créé le CCC à ce qui est devenu la HEAD à Genève et c’est là qu’il y a vraiment l’affirmation de cette recherche théorique. Et nous, nous sommes en écho de ce travail qui est fait à Genève, elles nous apportent ce travail.
Alors pourquoi cette décision qui est un peu absconse ? C’est parce qu’elles trouvent, et je pense que Lionel [Bovier] et Fabrice Stroun aussi, qu’il y a une appréhension de l’art en France qui est trop dénuée de ce substrat critique et social. Je pense que c’est la situation dont on parlait tout à l’heure, cette relation de l’art à l’institution d’art. En France, il y a quand même cette chose très caractéristique qui est que l’art et une grande partie de la commande artistique vient d’une institution publique : les centres d’art sont financés publiquement, les FRAC sont financés publiquement, il peut même y avoir quelque fois des transferts d’argent public vers l’espace privé etc. Et donc il y a ce qui peut être conçu par des gens qui ne sont pas des français comme une forme d’assujettissement financier et idéologique à la « force publique ». Ce qui crée des esthétiques, ce qui crée des shortlists… On voit qu’au Ministère de la culture il y a une grande agitation pour savoir qui sera l’artiste représentant la France à Venise par exemple. On pourrait concevoir que cela se passe de façon tout à fait différente.
Donc effectivement l’apport d’outils critiques pour penser l’art est vraiment voulu et « matérialisé » par Catherine et Liliane, et aussi Lionel et Fabrice.
DA : Ce sont des outils qui peuvent penser l’art mais qui le traitent aussi indirectement : ça va être le genre, ça va être l’identité avec Stuart Hall, ça va être…
AV-B : Pas seulement, parce que par exemple Catherine et Liliane ont beaucoup porté la question des études féministes parce qu’elles y étaient engagées. Moi par ailleurs j’étais en écho total parce que je suis féministe et militante sur des aspects très sociaux. Ce n’est pas uniquement un écho loin de l’art parce que ce sont elles qui nous ont apporté la connaissance d’historiennes de l’art, que ce soit des Griselda Pollock, ou j’ai oublié le nom de cette historienne très connue qui a créé une chaire d’Histoire féministe de l’art dans les années 1970 à New York1 …
DA : Alpers ?
AV-B : Non… Si tu veux, elles ont ouvert des possibles. On s’est dit, « Incroyable ! ». De même que ce sont elles qui nous font connaître Thomas Crow et la possibilité d’écrire une histoire sociale de l’art, chose qui est très peu connue en France à l’époque. Et on va lire Thomas Crow en anglais, et les livres de ces historiennes féministes on va aussi les lire en anglais – dont celle dont j’ai oublié le nom, qui a travaillé sur les impressionnistes. Les impressionnistes, tu imagines, ça fait partie des invariants de l’histoire de l’art et voilà qu’il y a une historienne de l’art américaine qui en donne une nouvelle lecture par une étude des figures féminines qui ne sont pas présentes. Donc c’est ça qui va être extrêmement intéressant. Ce n’est pas uniquement avoir recours à des outils comme la sociologie, etc. On a besoin de problématiser la question de l’art en s’adossant à des champs qui font question à l’art comme à d’autres espaces. Les études post-coloniales par exemple, au regard du travail d’Adrian Piper et de Catherine Quéloz (parce qu’elles se connaissent de très longue date), parlent de la « question noire ». Qui, à l’époque, parle de la « question noire » dans l’art contemporain en France ? Il va falloir attendre les années 2000 et 2010…
Regarde quelle est la date de l’exposition Elles au Centre Georges Pompidou : c’est récent, je crois que c’est à partir de 2009… Nous on travaille déjà sur les question art/femmes/féminisme d’une façon non-militante mais simplement éclairée, comme données permettant de revoir cette histoire construite qui se perpétue sans jamais être questionnée. Je pense que c’est le point essentiel : on arrive à l’École du Magasin, on est déjà formé, soit à l’École d’art, soit à l’Université, et l’École va être un espace de questionnement de la formation reçue.
DA : Et ça va aussi pousser les élèves à créer des projets dans l’espace public ? C’est peut-être maladroit de créer un rapport de cause à effet…
AV-B : Quelque chose qui était très critiqué de la part de l’équipe pédagogique c’était lorsqu’on passait la main aux étudiants pour qu’ils nous fassent connaître leur projet : 9 fois sur 10 le projet avait une shortlist d’artistes les plus connus au monde et des artistes très en vue qui n’avaient absolument pas besoin de ces jeunes curateurs grenoblois pour exister dans l’espace de l’art. La première des choses était de corriger le tir en disant : « Ça, l’institution Magasin peut le faire ! Ce qu’on attend de vous c’est que vous posiez un œil sur des artistes de votre génération par exemple, ou des artistes moins connus qu’il faut aller chercher, pour lesquels il faut créer des situations d’invitation, etc. C’est ça que vous avez à faire. » Il y avait une forme de correction : nous ne voulions pas nous retrouver avec une liste que l’on peut imaginer (Dan Graham, Bruce Nauman), même si ces artistes sont incontestables et très aimés par nous, ce n’est pas la question. La question est de dire : « Mais ces gens sont déjà invités partout ! Quelle invitation voulez-vous leur faire ? »
DA : Il y a une autre question qui est celle de l’économie. Tu as mentionné ce terme la dernière fois qu’on était au téléphone : rendre les élèves conscients de l’économie dans laquelle ils sont, à la fois à l’intérieur de l’École, mais aussi d’une économie de l’art ou d’une pluralité d’économies de l’art.
AV-B : Cela a été un peu obligatoire, parce que si tu veux les premières générations qui sont sorties de l’École du Magasin ont très facilement trouvé des emplois et la plupart du temps des emplois de décision, des emplois où ils étaient des programmateurs et des programmateurs institutionnels. Sauf qu’au milieu des années 90, cette source d’emplois disponibles se tarit, que de toute façon les subventions baissent. On se repose la question de l’économie des projets. On sait sur le terrain que pour les étudiants qui vont sortir, il va falloir qu’ils se créent leur dispositif économique, dispositif qui va éventuellement les employer.
Plutôt que de travailler cela d’une façon liée à un pseudo-organigramme (« Les premiers c’était des patrons je dirais, ceux qui arrivent après, pas de chance, vous serez médiateurs »), on leur dit : « Vous êtes venus pour créer des projets, ce qui veut dire réunir les conditions qui vont vous permettre de créer des projets. » Donc ce n’est peut-être pas de projets dans l’institution, d’où ce que tu disais, « la question de l’espace public » ou des situations très hétérogènes de projets curatoriaux. Parce qu’il faut faire des alliances économiques, et diversifier les formes de projets, ce sont les artistes qui conduisent à cela.
C’est dire : « Mais peut-être qu’une publication est aussi un espace curatorial ? » Donc on va petit à petit sortir de l’espace du White Cube et aller vers un espace moins formel d’exposition. Et finalement créer des situations où on peut faire projet et programme, quelle que soit la forme du projet.
DA : Dans les rencontres, ce qui était très bizarre (c’était une sorte de Grand Tour en Europe, on allait voir une multitude de gens, des directeurs d’institution, des commissaires indépendants, des galeristes), c’est qu’on était très souvent largué face à ces personnes-là, ils disaient des choses qu’on comprenait très peu, et en fait j’ai la réponse dans la question…
AV-B : Nous on savait que c’était des gens qui faisaient une partie d’un des mondes de l’art, sauf que la plupart du temps, les jeunes français issus de l’université n’avaient jamais entendu parler d’Ute Meta Bauer par exemple, qui était pour nous une personnalité très importante affirmée dans son engagement féministe, d’abord comme artiste, puis comme responsable de structure. Il était important de vous mettre au contact de gens qui étaient quand même assez singulièrement différents des personnalités à la tête des institutions françaises d’une façon générale, même s’il y avait, pour ne pas caricaturer, des gens absolument intéressants et formidables dans les centres d’art (je pense au Consortium par exemple), mais ils étaient très peu accessibles. Alors que vous étiez attendus la plupart du temps par ces personnalités étrangères ou de passage, qui savaient ce qu’était l’École du Magasin, qui connaissaient soit Lionel, soit Yves, soit Catherine ou autre. Pour nous c’était important d’élargir le spectre de l’art contemporain et de ses relations de sorte que vous puissiez imaginer aller travailler dans un autre pays, ou avec des artistes non représentés en France.
C’était une vision assez internationaliste, je dirais. Et aussi au sens idéologique du mot : le monde ne se finit pas ici, il est vaste. Et on fait des points de chute vers les gens qui nous ressemblent ou avec lesquels on a des intérêts communs.
La plupart du temps, quand il y avait ces voyages d’étude dans une ville-capitale, il y avait ces rendez-vous avec des responsables de programmes, de projets ou d’institutions, mais il y avait aussi la découverte d’une scène artistique, c’était une demande qui était faite.
Vous allez à Vienne, démerdez-vous, vous devez rencontrer les artistes ! Ça voulait dire arpenter la ville, se connecter à d’autres, chercher des informations et puis se mouiller un peu.
DA : C’était assez fluctuant selon les années. En fait, nous avons vu très peu d’artistes en 2001. Mais par contre Nicolas, pour reprendre cet exemple, a travaillé avec des artistes, il était en direct avec AA Bronson pour éditer ses textes, avec Julie Ault, etc.
Peut-être que c’est cette question du prisme théorique et des rencontres qui fait ce que tu appelles, dans l’entretien avec Laurent, la transmission d’une déontologie ?
AV-B : Oui. Je trouvais intéressant d’appuyer sur cela parce qu’il y a un texte assez ancien de Nathalie Heinich, qu’elle co-écrit avec un autre sociologue dont j’ai oublié le prénom, mais qui s’appelle Pollack, et qui est un texte de 1989 qui parle de la question du conservateur2 . Ce texte de mon point de vue fait un amalgame entre la position du conservateur de musée et ce qu’on appellera la position de commissaire d’exposition. Je pense que Nathalie Heinich à l’époque ne sait pas vraiment faire cette différenciation. Elle parle d’ailleurs du corporatisme, les conservateurs forment un corps, il y a donc un corporatisme qui a l’intérêt de dresser une déontologie du métier. J’ai trouvé que cette notion était assez fondatrice de ce qu’on peut appeler un métier, parce qu’une fois de plus nous étions dans une formation professionnelle.
C’est une formation peut-être artisanale mais elle a sa déontologie, et cette déontologie s’exerce notamment auprès des artistes, peut-être plus qu’à l’égard du public qui à l’époque à l’École est un peu impensé.
On sait qu’il y a du public (et je suis très avertie des questions de « public de l’art contemporain ») et par conséquent je me méfie de tout mettre dans la médiation comme si il y avait une espèce de foi, un déséquilibre de valeur qui est vraiment préoccupant à ce moment-là. Je pense qu’il est absolument nécessaire de forger une forme de déontologie du commissaire, du programmateur à l’égard des artistes et de ce qu’on appelle un projet, puisqu’il y a des associations, une sorte de co-travail. Le commissaire ne fait pas l’œuvre avec l’artiste mais quand même il en définit pas mal de conditions. Cela veut dire qu’à chaque fois, dans ces circonstances d’élaboration d’un travail artistique, il faudrait qu’il y ait une discussion presque d’objectivation de ces conditions.
Ce n’est pas si simple, parce qu’on sait très bien qu’il y a plein de choses qui ne sont pas si cartésiennes, objectives. Mais on peut se dire ce à quoi on va consentir, même dans les non-dits. C’est un peu paradoxal mais c’est de cet ordre-là. Au moins on peut faire un état des lieux des conditions pragmatiques dans lesquelles on va mettre l’artiste, et évidemment lui dire de la façon la plus honnête et complète possible quel est le sujet de travail dans lequel on a envie de l’embarquer. Et pourquoi on fait ces choses-là ? Quelle est l’adresse ?
On ne parlait pas du public d’une façon sociologique telle qu’on en parle dans la formation à la médiation, et là je suis assez d’accord avec toi qu’il y a toute une forme de condescendance, même si je suis loin de ne pas me préoccuper de cette question des publics. Mais ce n’est pas tout à fait ça. C’est : « Ce projet pour quel public ? » Sachant qu’il y a toute une différenciation du public et que la plupart du temps lorsqu’on est un acteur culturel on forme un public, c’est-à-dire qu’on le crée. Le public n’existe pas en tant que tel, il est créé par chacun des projets.
La demande insistante que les projets écrits par les étudiants de l’École aillent jusqu’à l’adresse était pour que, dans un mouvement de boomerang, il y ait une auto-réflexion sur : « Pourquoi est-ce que je fais ça ? »
DA : On est à l’INHA, tu m’as dit que l’École était émulée comme une sorte de projet artistique. Je me demande, au niveau des gens qui vont lire ici, comment va être reçue cette idée d’École du Magasin comme projet artistique, cette idée de déontologie. Voilà les problèmes que la retranscription de cette histoire peut me poser.
AV-B : Je voudrais corriger quelque-chose, c’est-à-dire que l’École du Magasin n’est pas un projet artistique. Il se trouve que l’École du Magasin a travaillé dans son collectif comme des artistes en train de faire projet. C’est-à-dire cette détermination de l’expérimentation et de définir collégialement quand on arrête l’investigation pour passer aux actes, poser des choses. Tout ce scénario de travail expérimental, au sens propre du terme, que l’on voit dans les groupes d’artistes, les duos d’artistes, ou l’artiste tout seul, l’École du Magasin a travaillé comme tel.
On pourrait essayer un terme, d’ailleurs souvent pris par Catherine et Liliane : travailler comme un « séminaire permanent ». Un séminaire c’est-à-dire un espace qui est convoqué, qui est réuni pour traverser une question et où il y a je dirais une documentation de base, partagée, qui fait que les choses sont à peu près identifiées. Et puis après chacun apporte et fait de cet ensemble un corps vivant.
Donc ça, dans le cadre d’une formation professionnelle où on te demande de prédéfinir de façon extrêmement précise les contenus, le volume horaire attaché aux contenus, l’expertise des intervenants, etc., je faisais en sorte d’utiliser ce vocabulaire et de faire entrer l’École dans ces registres tout en sachant, de façon assez schizophrénique, que l’École était un corps vivant qui débordait largement les cases autorisées.
Donc en fait pour le public de l’INHA qui va se poser deux-trois questions sur l’École du Magasin, je pense que c’est une formation professionnelle qui a réuni d’année en année des sessions de jeunes gens venus du monde entier la plupart du temps, ce qui était très critiqué d’ailleurs. Il a fallu à chaque fois que je plaide l’internationalité de l’École comme quelque chose de voulu. Et c’est une expérience qui a sa propre valeur, et avec laquelle je suis beaucoup en distance. Je ne sais pas si elle est réplicable.
DA : Ah non sûrement pas…
AV-B : Et je ne sais pas si elle est perdurable.
DA : Certainement sous d’autres formes…
AV-B : Et que c’est peut-être une entité… Dans les écoles d’art nous sommes tous absolument fascinés par les expériences du Black Mountain College, par exemple, mais aussi du Bauhaus, et par toutes les utopies, les utopies pédagogiques. Je pense que nous avons été dans une forme d’utopie pédagogique et nous avons beaucoup « ramassé » à cet égard.
Mais en même temps on a traversé le temps. Est-ce à dire que cette expérience aurait une valeur très fermée sur elle-même ? Je ne crois pas. Je pense que pour les individus c’était une expérience peu commune, qui les a transformés.
Et si je prends d’autres paramètres plus évaluables : quantité de connaissances acquises, de compétences acquises (car les étudiants faisaient aussi beaucoup de choses), peut-être que ce n’est pas mieux qu’un Master Pro…
DA : Ça dépend des acquis, parce qu’il y avait un système d’auto-formation, on s’enseignait des choses entre nous, entre élèves. On ne le faisait pas exprès, et c’est très difficile à évaluer aujourd’hui, on étaient assez complémentaires.
AV-B : C’est un point extrêmement intéressant. Tout à l’heure on parlait du collectif, et tu me donnes peut-être la possibilité de switcher. Ce n’est pas la question du collectif, c’est plutôt la question de la collaboration. Et d’essayer d’échapper à cette projection de l’individu. L’anti-Obrist !
DA : L’anti-Obrist : Qu’est-ce que tu veux dire ?
AV-B : Je veux dire que l’École du Magasin a traversé la période Obrist, qui est quelqu’un qu’on aimait bien, d’absolument génial. Mais l’« hyper-personnalité », se suffisant à elle-même, un peu capricieuse, tu vois tout une espèce de caricature – ce qui n’empêche absolument pas l’intérêt de ce qu’il a fait et d’ailleurs c’est une personne tout à fait fréquentable. Mais en l’occurrence il n’était pas un cas de figure réplicable pour l’École, je crois.
Et le fait d’accentuer beaucoup de choses autour de la collaboration : faire projet ensemble, ça veut dire qu’on se connaît bien les uns et les autres dans les compétences. Qu’est-ce qu’on va se confier mutuellement pour ensemble être meilleurs que chacun d’une façon isolée ? Ce n’est pas une valeur très commune à l’époque. On est dans le règne de l’individualisme.
DA : Il y a autre chose hormis ce transfert de compétences : ces modes de collaborations nous ont tous, à un moment donné, obligé à suivre les obsessions parfois complètement arbitraires de nos collègues. On s’est retrouvé à faire des relevés de plans dans des saunas homosexuels grenoblois, dans lesquels je n’aurais absolument pas mis les pieds… Et en fait cela participe du travail de collaboration, et cela pousse chaque intervenant à sortir de son champ, sortir de ses barrières, de ses rangs.
AV-B : Je suis en train de penser que, je crois que c’est en 2005, Yves Aupetitallot va publier un catalogue un peu historique sur le Magasin et dans lequel il y a ce texte qui s’appelle CO&CO&CO, qui est co-signé par Catherine, Liliane et moi et qui essaie de parler de cette collaboration3 . C’est un texte complètement dans le schéma de cette publication, il est hors-sol. Mais parce que l’École est hors-sol aussi, par rapport à ce qui se passe dans l’institution à côté. Nous sommes dans notre trip de la collaboration parce qu’on sait que c’est une valeur absolument essentielle : lorsqu’on est un « apprenant » du projet artistique, ça passe par la collaboration.
DA : Et c’était une collaboration très forte : vraiment emmener les autres, tirer le groupe. On était autorisé à tirer le groupe sur son propre territoire, voire même incité à cela. C’est génial comme modèle pédagogique, on est très loin du top to bottom et de ce genre de choses.
AV-B : Oui, déjà parce que quand on parle de l’équipe pédagogique, on n’a pas l’impression d’être une équipe en dehors du corps de l’École. Il y a une forme d’horizontalité dans le groupe, avec des gens qui ont quelque fois la fonction d’enseignant, quelques fois une autre fonction, et tout cela se passe dans un ensemble horizontal. Il se peut très bien qu’un étudiant soit beaucoup plus expert d’une question que l’enseignant.
DA : J’ai même une anecdote rigolote là-dessus. Quand nous avons décidé de notre projet, nous étions en réunion avec Lionel, seulement Lionel, et à un moment je ne sais plus qui sort l’idée, et Lionel dit : « Excellent ! Si vous ne le faites pas, moi je le fais ! » Il travaillait avec nous et quand il y avait quelque chose de bien qui émergeait, ça lui appartenait à lui autant qu’à nous, donc il était libre de le faire aussi de son côté si il le décidait. Evidemment on s’est dit : « On va faire ça ! »
AV-B : Je me rappelle avoir contribué au titre, vous peiniez sur le titre et Xeros m’est apparu.
DA : Oui tout à fait.
AV-B : C’est assez beau d’être dans un espace où il n’y a pas de confiscation des choses, des valeurs, pour des raisons hiérarchiques, des raisons assez fausses. Alors il faut reconnaître l’ensemble des compétences des uns et des autres, mais quand même ce partage n’est pas si fréquent. Il est très difficile.
J’ai été très transformée par mon passage à l’École. J’en garde encore des stigmates dans ma façon d’appréhender le travail en commun. Mais ce n’est pas quelque chose de beaucoup aimé, la question de l’horizontalité. Les gens pensent, dès que tu procèdes par horizontalité, qu’ils se défont de toute responsabilité : « Puisqu’on est tous au même titre, pourquoi moi je prendrais plus de responsabilités ? » Justement c’est cela qui est intéressant.
DA : On en parlait avec Victoire de ce monde de l’art des années 1970 et 1980 qui réussit à se construire dans l’horizontalité et qui dans les années 1990 se spécialise, spécialisation qui veut dire hiérarchisation, et on revient au modèle qui est quasiment celui des années 1960, en moins efficace…
AV-B : C’est parce qu’il s’est déplacé en même temps. N’oublie jamais que dans les années 1960 la situation est plutôt parisienne et qu’à partir des années 1980 tu as cette diffusion, par le biais des décentralisations, dans des territoires complètement extrapolés. C’est quelque chose qui n’est pas du tout assez étudié comme ça. Ce n’est pas seulement l’émergence des FRAC ou autres, c’est que tu as à un moment donné dans le moindre Conseil Général, ou Conseil Régional, un petit marquis qui va vouloir avoir son espace d’art contemporain. Ça fournit à la fois du travail, mais aussi ça capte cette question artistique dans des espaces d’administration et de pouvoir public, ce qu’on appelle l’« institutionnalisation ». Là où dans d’autres territoire ou pays européens, on va garder une diffusion beaucoup plus démocratique, même quand elle est appuyée par le marché de l’art.
Si tu prends la Belgique, par exemple, tu vas avoir des galeries à Bruxelles mais tu en as aussi plein dans d’autres villes de Belgique qui fonctionnent. Et ce n’est pas le cas de la France. Une des grandes difficultés de la France c’est de n’avoir aucune galerie susceptible de fonctionner en province. C’était déjà dans les années 1980, malgré Pailhas à Marseille4 , mais il traversait pour venir à Paris.
Donc toutes les questions de l’École du Magasin devraient être reliées de temps en temps à l’espace géopolitique et géo-politico-économique de l’exercice de l’art de l’époque.
DA : J’en reviens donc à Obrist. L’espace géo-politico-économique d’Obrist, quand nous on entre à l’École du Magasin début 2000, c’était notre modèle, c’était le seul commissaire qu’on connaissait. C’était la personne par laquelle on avait appris le mot « commissariat d’exposition », et pas Szeemann. C’était branché, ça apparaissait partout. Et on a mis très longtemps à se rendre compte que ce que faisait Obrist n’était pas ce qu’on allait faire. Et après l’École on s’est rendu compte qu’au niveau des conditions socio-économiques on ne pouvait pas suivre : prendre l’avion deux fois par mois, aller à Moscou, connaître des artistes du monde entier, dire les choses en quatre langues… On s’est fait piéger par notre propre idéalisation.
AV-B : Peut-être qu’à un moment donné il a été l’arbre qui cachait la forêt. On ne voyait que lui et c’est comme s’il était devenu un idéal. Mais lui-même je pense qu’il ne se présenterait pas du tout comme un idéal.
DA : Il avait tendance à se présenter comme un idéal, mais il était le champion des déclamations méthodologiques : « Don’t stop don’t stop don’t stop », suivi par « ralentir, accélérer ». Tous les six mois il sortait quelque chose sur comment lui travaillait, et « c’était la meilleure façon de faire ».
AV-B : C’est d’une naïveté totale, parce que vous idéalisiez ce personnage, qui était justement comme tu dis entre deux avions très jeune, adulé, et dont tout le monde parlait. Parce qu’au Magasin quand même il y avait quelque chose qu’il ne faut pas minimiser et c’est pour ça que l’École du Magasin pouvait être là, c’est que la programmation du Magasin, quelque soit le directeur, avait pignon international, dès le début.
La première année s’achève par Sol Lewitt je crois. Qui a montré Sol Lewitt en France ? On a des trace d’un passage dans une galerie à Paris et c’est à peu près tout. John Baldessari, etc.
Adelina va aussi faire venir énormément d’artistes étrangers et Yves aussi.
C’est pour ça que la figure d’Obrist est si retentissante. Il agit dans un monde international qui fait écho avec la programmation du Magasin. Quand je disais tout à l’heure qu’une des premières corrections de projet qu’on faisait à l’égard des étudiants c’était de dire « n ne veut pas de votre shortlist », de ces artistes qui n’ont pas besoin de jeunes curateurs, c’était ce qu’on voulait de l’École du Magasin. Mais Obrist lui voulait ces grands artistes et c’est comme ça qu’il s’est fait connaître.
Ceci dit, il a travaillé à l’ARC en tout premier comme une sorte de jeune curateur associé aussi en présentant de tout jeunes artistes, notamment Dominique Gonzalez-Foerster, je crois que c’était en 1988.
DA : En 1988 ? Obrist ?
AV-B : Oui, je crois ne pas dire de bêtises. Il est à l’ARC, complètement inconnu et il a une sorte de project room, à vérifier… Je regarderai, j’ai une toute petite publication et je crois que le programme s’appelle Migrateurs, il faut vérifier la date5 .
Dans l’équipe pédagogique on sait que quand un jeune curateur va chercher un jeune artiste et qu’ils créent une relation, ça va durer et qu’il va y avoir un développement qui peut être tout à fait intéressant, plutôt que cette relation de déférence ou d’admiration qui est une relation un peu creuse. Un jeune curateur ne va jamais imposer quoi que ce soit à un artiste chevronné à qui on offre déjà tout. Il ne va qu’exécuter et se saigner à blanc. Alors que s’il s’intéresse à un jeune artiste et qu’ils essaient de définir un espace commun de travail il y a des chances que ça évolue et que ça se développe.
DA : Est-ce qu’on a oublié quelque chose ? On ne va pas refaire l’historique des projets…
AV-B : Non, de toute façon c’est une conversation forcément échevelée, dans le sens où elle est très difficile à organiser. Elle repose en effet sur une mémoire et cette conceptualisation est difficile… difficile d’encarter l’École.
(1h50. La discussion continue et change de sujet.)
- Alice Vergara-Bastiand fait évidemment référence à Linda Nochlin. ↩
- Alice Vergara-Bastiand fait référence à l’article : Nathalie Heinich, Michael Pollack, « Du conservateur de musée à l’auteur d’expositions : l’invention d’une position singulière », Sociologie du travail, vol. 31, n° 1, 1989. ↩
- Le texte CO&CO&CO est disponible sur ce portail d’archive en ligne, sous la rubrique « Textes sur l’École ». ↩
- Galerie Roger Pailhas. ↩
- Hans Ulrich Obrist fait sa première exposition en 1991 à Zürich. Il est commissaire à l’ARC du programme Migrateurs de 1993 à 2003. ↩
Entretien avec Catherine Quéloz et Liliane Schneiter (1)
Entretien avec Catherine Quéloz et Liliane Schneiter
réalisé par Michela Alessandrini
28.05.2018
Liliane Schneiter : Vous nous dites que l’archive est déplacée mais qu’en est-il de l’archive électronique ? Il y avait beaucoup de matériel sur les sites qui étaient conçus et rédigés dans le cadre des projets annuels. Ils étaient complètement intégrés à l’enseignement et aux idées développées et en constituaient l’archive de recherche. Il y avait également les syllabi et les documents des cours (textes en lecture, références partagées, entretiens ; la documentation des voyages et toute autre archive constituée par les participants). C’était un espace de travail en cours. Deux jours des trois premières sessions avaient été consacrés au développement du site de la session. La manière d’inscrire l’archive du processus de recherche dans le site de chaque session a été abondamment discutée, à partir de la Session 10 « Digital Deviance ». Depuis quelques années toute cette archive numérique a disparu du site du Magasin. L’originalité de ces sites internet, pensés comme plateforme d’étude est un format précieux historiquement qui s’est perdu.
Catherine Quéloz : Dès le début, en 1998-99, l’objectif était de travailler en équipe, d’apprendre à travailler à plusieurs, à partager les recherches, les rencontres, les lectures. Les participants avaient pour mission de réaliser un projet en commun soutenu par une équipe pédagogique qui elle aussi travaillait en coopération. Dans un tel contexte la transculturalité, transdisciplinarité étaient exercées en direct. La pédagogie était soutenue par les Critical Studies, par la connaissance et les expériences des Cultural Studies et une pédagogie alternative (Peter Mc Laren, Paulo Freire, bell hooks, Henry Giroux) longuement étudiée pour la mise en place à Genève du Programme MA de recherche CCC dès 1998. Une pratique qui confronte les prises de position, une pratique risquée, souvent en tension, jamais totalement confortable mais souvent joyeuse et empowering.
Les formats des cybermedia et le curatorial étaient entendus dans un sens élargi, et le projet final n’était pas forcément une exposition et un site internet.
En 1998, Yves Aupetitallot nous propose de réfléchir à l’orientation de l’École. Nous proposons l’organisation d’un colloque pour discuter de la question curatoriale, utilisée comme un medium d’artiste et d’historien de l’art, et de la recherche par les moyens de l’art. Pour prendre date, en 1998, le curatorial n’était pas encore considéré comme une formation professionnalisante. Les invités sont, entre autres, Julie Ault (artiste chercheure), Béatrice von Bismarck (historienne de l’art co-organisatrice avec un groupe interdisciplinaire de chercheurs, dont le mathématicien Diethelm Stoller, le sociologue Ulf Wuggenig en 1993 du Kunstraum, Université de Lüneburg), Ursula Biemann (artiste chercheure, co-curator Shedhalle Zurich 1995-98), Ute Meta Bauer, excusée (1996-2006, professeure à l’Académie des beaux-arts de Vienne, organisatrice de la série de colloques Education, Information, Entertainment. New Approaches in Higher Artistic Education. Cf publication, Selene, Vienne 2001) et deux invités français dont nos archives ne mentionnent pas le nom. Véronique Terrier-Hermann et les participants de l’École mettent en place l’organisation conceptuelle et pratique de ces journées.
Dès 1998-99, l’équipe pédagogique en collaboration avec la direction développe une réflexion sur la conception d’une formation spécifique aux arts et sciences du curatorial dans le contexte d’un Centre d’art afin de proposer une formation solide dans le temps limité d’un cursus annuel. Dès 2000, Lionel Bovier plus fréquemment présent à Grenoble en tant que curateur invité, accepte la direction de l’École. Rapidement, ce dernier, conscient des compétences pédagogiques, scientifiques et humaines d’Alice Vergara, responsable de la bibliothèque, propose qu’elle soit associée à l’équipe pédagogique (cf. email de Lionel). L’équipe était très consciente des enjeux d’une institution novatrice en France et en Europe (pour rappel, en 1994, Saskia Bos fonde un cours intensif, appelé « The Curatorial Programme ». Sur une période de 8 mois une sélection de 5 à 6 personnes sont formées aux pratiques curatoriales).
La dimension participative et coopérative trouve une de ses représentations dans le texte rédigé pour la conférence des 20 ans de l’École (Co&Co&Co, 21.01.2006), avec une présentation de Theresa Gleadowe (qui a joué un rôle important dans la conception d’une nouvelle formation de curateur au Royal College of Art à Londres).
Nous avons été très impliquées jusqu’à la réalisation du projet Un pas de côté, en 2006. Par la suite, nous avons été invitées ponctuellement par Alice Vergara-Bastiand, Lore Gablier, pour les entretiens de recrutement, quelques conférences (données à Genève dans le cadre du Programme MA de recherche CCC), et pour les évaluations du projet final des sessions.
Sous des statuts divers, nous avons travaillé à l’École du Magasin pendant quasi une décennie, en tant qu’équipe pédagogique de 1999 à 2006, puis en tant que conférenciers invités et jurés jusqu’à 2011.
LS : À la fin des années 2000, les autorités de tutelle réfléchissaient aux instances territoriales de l’École dans une ville, Grenoble, une région, Rhône-Alpes, et un pays, la France. Elles se concertaient sur les pôles d’excellence en région et discutaient le statut de l’École afin de savoir si elle pourrait être intégrée à une autre institution, par exemple à l’école des beaux-arts.
CQ : Était avancée l’hypothèse d’un tournant vers la professionnalisation du curatorial déterminant dès lors des liens avec d’autres institutions de formation certifiées (par exemple une formation Master ou un certificat en advanced studies).
LS : Nous revendiquions toujours plutôt la cause d’une école de recherche qui est à la fois connectée à un centre d’art et liée aux autres institutions européennes et internationales. C’est pour cette raison que nos enseignements avaient une forte teneur en théorie critique culturelle et curatoriale qui nous semblait nécessaire pour constituer un projet collectif qui permette aux participants de repartir chacun dans leurs pays avec un bagage théorique suffisamment fort.
CQ : Pour revenir à l’histoire des formations curatoriales, on peut rappeler qu’elles émergent vers la fin des années 1980 (la formation curatoriale du Whitney Independent Study program créée en 1968 est une exception), avec l’École du Magasin (1987), le Kunstraum de l’Université de Lüneburg (1993), la fondation De Appel À Amsterdam (1994), et à Londres le Royal College of Art (1993) et le Goldsmiths College (fin des années 1990). Quant à l’enseignement curatorial Sous-Sol (1987) de la Haute école d’art et de design HEAD (anciennement Ecole supérieure d’art visuel ESAV), cet enseignement a été instauré pour favoriser la pratique du travail théorique de l’histoire de l’art. Dès la fin des années 1990, il s’est associé aux enseignements d’études critiques (école de Francfort et ses relectures internationales) et cybermedia, complétés du champ des Cultural Studies (Birmingham) pour former, dès 2000, le Programme Master de recherche CCC à la HEAD, Genève.
Interview with Catherine Quéloz and Liliane Schneiter (2)
Interview with Lionel Bovier
Interview with Lionel Bovier
Questionnaire sent by Michela Alessandrini
Michela Alessandrini : Vous avez été commissaire associé au Magasin, Centre d’art contemporain de Grenoble, de 1999 à 2002, et vous avez été chargé de repenser l’École, que vous avez dirigée avec Catherine Quéloz et Liliane Schneiter. Pouvez-vous nous parler de ces années au Magasin ?
Lionel Bovier : Yves Aupetitallot, directeur du Magasin, m’a en effet invité à prendre en charge une partie du programme d’expositions, suite à un projet organisé au CNAC en 1998 (oops, une exposition collective dédiée à la réinterprétation phénoménologique de l’art optique et cinétique, proposée en contrepoint à la rétrospective du GRAV qu’Yves organisait alors). Nous avons réfléchi à une position de commissaire qui soit plus que celle d’un invité et moins que celle d’un membre permanent de l’équipe, ce qui me permettait de conserver une grande liberté organisationnelle tout en dirigeant régulièrement la même équipe autour de projets d’exposition différents. La réflexion sur la réorganisation de l’École est arrivée ensuite, comme l’un des produits de notre dialogue professionnel et des engagements qui étaient alors les miens dans le domaine de la formation. J’étais en effet responsable des enseignements théoriques et d’organiser la transversailté des départements de l’ECAL (École cantonale d’art de Lausanne) et les questions de transmission, de méthodologie et de corpus d’enseignement, ainsi que leur historiographie, qu’il s’agisse du Bauhaus, du Black Mountain College ou, plus près de nous, de CalArts, faisaient partie de mes champs de recherche. Nous avons privilégié une direction collective, avec Catherine Quéloz et Liliane Schneiter, qui pilotaient alors le CCC (études curatoriales, critique et cybermedia) de l’école d’art de Genève (aujourd’hui la HEAD), avec beaucoup d’intelligence et de prescience sur les débats intellectuels de l’époque. Une position de coordinateur.trice de l’École fut également mise en place au sein de l’équipe du Magasin.
Nous avions développé un certain nombre d’outils (allant d’une charte d’études à un syllabus régulier), un réseau d’intervenant.e.s et des méthodologies qui pouvaient alors, tout du moins dans le contexte français, sembler singulières. Nous connaissions bien « l’offre » et avions réfléchi à l’histoire des formations curatoriales avant de mettre celle-ci en place. Catherine avait étudié au Whitney Program dans les années 1980 ; Catherine et Liliane avaient de nombreux contacts avec des écoles ou des instituts portant des formations similaires en Europe ; et j’intervenais déjà dans des programmes européens, comme celui du Royal College of Art à Londres. Nous avions donc conçu cette formation comme un projet spécifique et unique en France à cette époque, c’est-à-dire fondamentalement différent de celui de Rennes, par exemple. Et évidemment comme un reformatage complet de la formation vis-à-vis du passé propre au Magasin.
MA : Quel était le contexte culturel en France à l’époque ? Quelle situation avez-vous trouvé en arrivant à Grenoble ? Quel était l’état de l’École à ce moment-là ?
LB : Je ne suis pas habilité à faire un constat sur l’École avant notre arrivée, c’est une question à adresser au directeur de l’époque, Yves Aupetitallot. Disons que l’École était en crise, pour de multiples raisons (financières et politiques, comme toujours, mais aussi structurelles et, de notre point de vue, théoriques). Il s’agissait auparavant, comme à De Appel, d’une formation plus ou moins professionnalisante, principalement basée sur l’apprentissage d’outils techniques et la création d’un réseau. La formation était à la fois une forme de stage et une première opportunité curatoriale. Elle culminait donc dans l’exposition annuelle de la Session. Or, dans les années 1990, la réflexion artistique portait justement sur la critique des standards d’expositions et l’ouverture de la « forme exposition » à de nombreux formats. De notre point de vue, une publication, un site Internet, une émission de radio, un programme de performances, etc., étaient des formats d’exposition disponibles – et moins normatifs que celle de l’exposition d’objets physiques dans un espace physique. Nous basions le syllabus sur des outils issus des études culturelles et de la déconstruction féministe et politique du canon esthétique que connurent les années 1960 et 1970 (dont la réception dans les années 1990 explique beaucoup de formes artistiques qui se développent alors), de la théorie curatoriale et de l’histoire des expositions (deux champs d’étude qui se mettaient en place dans cette décennie). Ce fut donc un changement assez complet de logiciel. Mais comme l’école ne disposait pas d’enseignants fixes, ce fut également assez facile. Quant au contexte, disons que nous trouvions plus d’affinités entre notre programme et ceux d’instituts anglo-saxons, allemands ou suédois, que français. Je me souviens avoir répondu à l’invitation de Texte zur Kunst de commenter la façon dont les études culturelles étaient reçues en Europe à la fin des années 1990 par un bilan assez négatif sur l’impact que ce champ d’études avait alors sur les programmes d’enseignement et la Doxa universitaire dans le champ francophone de l’époque…
MA : Quelle était la particularité de l’École ? Quels en étaient les points forts et quels les points faibles ? Quelles étaient les ambitions de ce centre de « formation » ? Quelle image du commissaire d’exposition était véhiculée par l’École ?
LB : Je crois que les points forts de l’École étaient précisément d’offrir une boîte à outils et des éléments méthodologique singuliers. Les points faibles résidaient dans l’absence de synergies avec des institutions françaises hors Le Magasin, de constantes difficultés financières et, même si nous n’en étions pas nous-mêmes victimes, des pressions politiques pour « former utile et français ». Nous avions en effet adopté, logiquement de notre point de vue, une attitude résolument européenne quant à la sélection des candidat.e.s et le bilinguisme français/anglais pour tous les enseignements. Nous cherchions également à ouvrir tant les profils de candidature que les délivrables de formation : l’image du commissaire d’exposition n’était pas tant notre souci que celui de former des opérateurs culturels capables d’intervenir dans différents contextes et sur différents formats.
MA : Quels ont été les moments les plus décisifs pendant votre direction de l’École ? Quel souvenir en gardez-vous ? Quel a été l’apport de l’École à la scène artistique et au débat sur les pratiques curatoriales actuelles à votre avis ?
LB : Personnellement, j’ai toujours eu beaucoup de plaisir à enseigner et j’ai évidemment apprécié le « challenge » particulier que représentait la réorganisation de l’École. Mais, je ne peux enseigner continûment que quelques années ; ensuite, j’ai l’impression d’avoir besoin de repenser mes approches et rafraîchir mes références. Aussi, ai-je souhaité après un certain temps transmettre cette structure et espéré sa réactualisation régulière par d’autres. C’est ma disposition pour toutes les structures, tous les programmes, tous les projets que j’ai fondés, dirigés ou auxquels j’ai participé. La plupart existent encore et si je trouve parfois une satisfaction égotiste, c’est précisément de savoir qu’ils/elles continuent de fonctionner.
Parmi les projets menés par les participant.e.s des différentes sessions, je pense que AIDS/RIOT, centré sur la relation qui se développe entre la production d’images et le militantisme politique dans les années 1980, à l’apparition du SIDA, reste très pertinent. Il constituait aussi la première apparition en langue française de nombreuses réflexions esthétiques et politiques qui conservent, dans la période néo-réactionnaire que nous traversons, toute leur acuité. RadioTemporaire fut aussi un très beau projet et l’ouvrage a rendu disponible en France nombre de références liées aux études culturelles.
Je suis mal placé pour évaluer l’impact de l’École sur la scène française ou internationale ou plutôt je suis placé trop près d’elle pour pouvoir en juger. Quant aux pratiques curatoriales, je pense que nous sommes aujourd’hui dans un registre de l’excroissance : c’est désormais un outil de l’industrie culturelle plus que de la scène artistique ou théorique (on « curate » ainsi des immeubles de luxe à Miami, l’intérieur d’une boutique ou d’un yacht, aussi bien qu’un rayon de supermarché). Il s’agit pour un pourcentage important de la production plus de sélectionner et de dresser des « listes » pertinentes, que de réfléchir aux moyens et aux formes que peuvent prendre un projet. Je suis pour ma part revenu à un rôle beaucoup plus classique : un musée c’est avant tout une question de collection (réelle, rêvée, permanente ou temporaire) et de syntaxe historique et c’est, nécessairement, une entreprise de recherche collective.
Interview with Lore Gablier
Interview with Béatrice Josse (FR)
Entretien avec Béatrice Josse
par Lore Gablier
18.06.2018
Lore Gablier : Avant votre arrivée à Grenoble en 2016 pour prendre la direction du Magasin, connaissiez-vous l’École et comment la perceviez-vous ?
Béatrice Josse : Un certain nombre de mes ex-collègues directeur.rices de Frac sont effectivement « passé.es » par l’École du Magasin. J’ai moi-même recruté une personne qui avait suivi ce cursus. Je connaissais assez peu cette formation dans son contenu.
A la lecture des archives, j’ai d’ailleurs appris que le projet d’origine était de former des médiateurs en art contemporain, dont manquait cruellement le milieu de l’art français (en cours de professionnalisation dans les années 90) et pour lequel l’Etat avait réservé des financements en région. Le montage opéré par Christian Bernard, alors conseiller pour les arts plastiques à l’époque était surtout destiné à trouver des budgets supplémentaires pour le centre d’art nouvellement ouvert et déjà trop justes, m’a-t-il confié.
Par la suite, les contenus de la formation ont évolué au gré des personnes qui en avaient la charge et du milieu professionnel. Les problématiques sociétales, féministes, les dimensions collectives et engagées sont apparues et sont devenues centrales. La médiation ne fut plus pensée exclusivement autour des formats de l’exposition mais aussi de l’édition, de la radio, des séminaires etc.
Au fur et à mesure, l’objectif de former à la médiation s’est transformé en cursus visant le commissariat. Cette évolution devait certainement correspondre aux attentes des participant.es et répondre à leur idéal d’avenir professionnel sans pour autant être en corrélation avec le marché de l’emploi.
Alice Vergara-Bastiand, qui fut en charge de cette École du Magasin, m’a confirmé que l’évolution n’allait plus dans le sens de la nécessité d’un marché économiquement viable, et ceci d’autant plus que des formations de ce type se sont multipliées notamment à l’université. D’une situation unique, l’École s’est vue « concurrencée » par de nombreux master. Cette situation méritait d’être questionnée. Ce qui fut fait très rapidement après ma nomination, bien malgré moi. En effet, la coordinatrice en poste en 2016 avait envoyé un appel à candidature en mentionnant mon nom sans même me faire relire le document. J’ai trouvé étrange que l’on reproduise un tel appel de manière identique d’année en année sans s’interroger sur d’éventuelles évolutions, améliorations, ajustements. Il y eu donc une urgence à redéfinir un format pédagogique et proposer autant que possible des débouchés professionnels.
Avec l’aide de Peggy Pierrot, théoricienne activiste féministe intersectionnelle vivant à Bruxelles, nous nous sommes interrogées : de quoi le monde de l’art a-t-il besoin aujourd’hui ? Quels seraient les modes d’alliances à favoriser entre artistes et activistes ? Il nous a semblé que la solidarité, la compréhension réciproque des modes de communication et d’action des artistes et des militants, la constitution de collectif puissent être des débuts de réponse. Comment créer du langage commun, de la matière inexplorée afin de réinsuffler de l’imaginaire à un monde l’art atone et versé principalement vers le marché ?
Peggy Pierrot souhaitait ouvrir la formation à des candidat.es non issu.es du milieu artistique, à des candidat.es venu.es de divers horizons : du secteur scientifique, social, de l’écologie, mais aussi à des personnes sans papier.
De mon côté, je souhaitais que l’on inclue une dimension physique, corporelle, au contenu pédagogique. Nous sommes des corps pensants, nous avons besoin de réarticuler les énergies collectives via les pratiques somatiques. C’est dans un rapport plus fluide à l’espace et entre les vivant.es que nous parviendrons à transformer les idées et à accéder à plus d’intelligence collective.
À l’inverse de l’esprit concurrentiel qui semblait régner au sein du cursus, nous avons introduit des cours de yoga, des ateliers chorégraphiques, des marches, afin de recouvrer cet esprit collectif dans l’action car ne pouvant se concrétiser dans la théorie seule.
Dans cette logique expérimentale, Peggy Pierrot a proposé certains outils collectifs issus des mouvements féministes radicaux dont elle est issue. Lors de la première session, nous avons constaté une évolution incroyable des participant.es. La combinaison des outils collectifs et de l’approche corporelle a réellement bien fonctionné.
Par ailleurs, nous avons pu constater que le jargonnage activiste et artistique n’était pas toujours compréhensible par tou.tes, qu’il fallait comme des « traductions ». Cette formation étant le reflet de la société : chacun.e est dans son silo, y compris les artistes. Comment se faire comprendre et créer de l’engagement : tel était notre objectif. Les outils ainsi transmis servent autant aux participants qu’aux intervenant.es. C’est assez réjouissant les échanges qui se créent.
Vous avez vous-même suivi la formation de l’École ?LG : Je l’ai faite en 2005-2006, puis je l’ai coordonnée de 2009 à 2013. Je vous écoutais et je trouve intéressant que nombre des points que vous soulevez – la question de l’engagement, du collectif : pour moi ça a toujours été présent à l’École, même sur les dernières années. De mon expérience à la fois en tant que participante et coordinatrice, il s’agissait de questions qui étaient travaillées au quotidien. Après, il est certain que les candidats avaient changé. On est aussi face à une professionnalisation qui a certains effets néfastes. C’était intéressant d’avoir des gens qui venaient à l’École pour sa réputation, et commençaient à déconstruire leurs attentes et ambitions de carrière. Quelque chose qui est beaucoup revenu dans les entretiens qu’on a menés ces derniers mois, c’est justement cette question de solidarité. Cette espèce de famille qui s’est construite autour de l’École, et une certaine manière de se considérer non comme un rival mais comme membre d’un réseau solidaire. Le Magasin était aussi dans un moment très difficile, ce qui a beaucoup pesé. Mais il me semble que construire de la solidarité était aussi au cœur du travail de l’École. C’est pourquoi on n’a pas bien compris pourquoi rebaptiser l’École, et se dessaisir même de ce terme d’école.
BJ : Le mot « École » fait peur. Ne s’adressant pas exclusivement au monde de l’art, nous souhaitions nous distancier d’une approche qui aurait pu être perçu trop descendante, trop verticale alors qu’il s’agissait de proposer exactement l’inverse. La dénomination initiale était « École bis » mais elle fut refusée. Le souhait était de ne pas utiliser non plus de terme anglo-saxon pouvant induire une notion de coût exorbitant comme cela est souvent le cas pour de telles formations à l’étranger. Les Ateliers des horizons sont très peu onéreux finalement : 300 euros/an, donc accessible à tou.tes.
LG : Quel est aujourd’hui le statut juridique des Ateliers ? Sont-ils toujours enregistrés en tant qu’organisme de formation professionnelle ?
BJ : Oui.
LG : Du coup, le statut n’a pas changé. On est toujours un peu à cheval et les questions de visa posent toujours un problème.
BJ : Pas seulement. Il y a aussi la question d’accéder au statut étudiant. Auparavant, c’était un rapprochement avec l’École d’art qui permettait d’obtenir le statut étudiant.
LG : Ce projet de rapprochement a-t-il été abandonné ?
BJ : On va dire ça. Le directeur vient de partir en retraite et un jury vient juste de se tenir pour décider d’une nouvelle nomination. De plus, l’objectif était de changer le calendrier et ne plus fonctionner sur l’année scolaire. Nous souhaitions que la formation puisse avoir lieu en fin de semaine : les vendredis après-midi, samedis et dimanches, afin que les participant.es puissent poursuivre leurs activités rémunérées durant la semaine. Élargir les possibilités de recrutement à des personnes n’ayant pas les moyens de financer un logement à Grenoble durant plusieurs mois, tel était l’objectif affirmé, et l’ouvrir à des personnes qui n’auraient jamais pensé prendre du temps pour elles. La moyenne d’âge est donc plus élevée que précédemment. Nous sommes loin de promotionsd sortant tout juste de l’université. Artistes et professionnels, ils et elles sont à des périodes charnières de leur vie et souhaitent prendre du temps pour se repositionner, y compris prendre des décisions importantes pour leur vie.
LG : Pourquoi avoir fait le choix de continuer une formation ?
BJ : Comme je vous l’ai dit, ce n’était pas ma priorité. C’est parce qu’il y a eu cet appel à candidature qui m’a été mis sous le nez sans que je n’aie pu valider quoique ce soit que j’ai dû y réfléchir tout de suite. Malheureusement et heureusement, quelque chose qui n’était pas prioritaire pour moi l’est devenue.
LG : Mais pour vous, indépendamment de la situation que vous décrivez, en quoi est-il important d’avoir une formation au sein d’un centre d’art ? Au départ, il y avait un projet très clair qui répond à un contexte de décentralisation de la culture en France, et où il y a un besoin de former de futurs directeurs de centre d’art dont le rôle est très différent de celui d’un conservateur de musée. À la fois, je pense que pour Jacques Guillot il s’agissait aussi d’offrir un contexte dans lequel des questions de production, de monstration et de public sont pensées ensemble. Évidemment, on n’est plus du tout dans le même contexte aujourd’hui. Mais quelle est la valeur pour vous aujourd’hui d’avoir une formation au sein d’un centre d’art ?
BJ : C’est, et cela doit rester un espace d’expérimentation. Les centres d’art sont encore des lieux où l’on devrait avoir la liberté d’expérimenter des formats non calqués sur l’université ou les écoles d’art. Nous devrions avoir cette liberté de se dire : on invente quelque chose, on le teste et l’on garde ce qui fonctionne. Les Ateliers des horizons ont été pensé sur le même modèle que l’ensemble de la programmation du Magasin. Les formats et activités hybrides s’expérimentent à tous les autres endroits du Magasin.
De plus, il n’y a aucune autre formation en France qui s’appuie à la fois sur de la transmission théorique et somatique dans un tel rapport d’équivalence. Les formations du type Exerce à Montpellier restent essentiellement sur de la pratique corporelle. Aux Ateliers des horizons, la place de la théorie est importante, les particpant.es ont beaucoup à lire, à regarder, à se questionner sans pouvoir échapper aux ateliers somatiques. Pour moi, c’est vraiment la condition du collectif : il faut que cela passe par le corps, que l’on puisse se côtoyer y compris physiquement. Le collectif n’est pas une déclaration d’intention, c’est une réalité physique. C’est parce qu’on est ensemble que se crée le collectif.
LG : La question du collectif a toujours été au cœur de l’École du Magasin. Et c’est quelque chose qui est beaucoup revenu dans les entretiens que nous avons menés : l’expérience du travail en collectif, au sein d’un groupe qui ne s’est pas nécessairement choisi.
BJ : Mais est-ce que vous aviez les outils ? Y avait-il des intervenants, des lectures en relation avec le fait de créer du collectif ?
LG : La question du collectif n’était pas nécessairement discutée à travers des textes théoriques, mais elle était vécue. De ce que j’ai pu observer en tant que coordinatrice, la question du collectif se posait très rapidement : on est en train d’écrire quelque chose ensemble mais qu’est-ce que ça veut dire être ensemble.
BJ : Je ne pensais pas qu’à des textes théoriques mais aussi à des méthodologies. Comment déterminer par exemple la prise de parole pour que tout le monde ait le même temps de prise de parole ? Que les garçons, par exemple, ne s’accaparent pas systématiquement plus d’espace. Ce sont des règles que le groupe doit se donner pour être le plus équitable possible les un.es envers les autres.
Pour ma part, avec l’équipe du Magasin, je développe ce qu’on appelle la gouvernance partagée qui comprend des méthodes de prise de décision collective. Il y a plusieurs écoles du collectif et c’est cela qu’on essaie d’amener. Chaque groupe choisit son mode de fonctionnement : on ne leur impose pas. On leur amène les outils théorico-pratiques et ils choisissent ce qui leur correspond le mieux pour que collectivement ils prennent des décisions et travaillent ensemble. C’est un préalable important avant de mettre en place leur projet final qui ne prendra pas nécessairement la forme d’une exposition.
LG : Le but de l’École du Magasin n’a jamais été l’exposition. Surtout après l’arrivée de Liliane Schneiter, Catherine Quéloz et Lionel Bovier, cette question de l’exposition est posée. Il y a vraiment une invitation aux élèves à réfléchir à la formulation de leur recherche par-delà le format exposition. Une des contraintes, malgré tout, c’est que, quelque soit le format envisagé, il fallait qu’il y ait une restitution publique. Il y a donc à penser aussi la question du public : comment rendre compte d’une recherche et la partager avec un public ? Mais si je comprends bien, cette dimension publique ne fait plus partie des Ateliers ?
BJ : Ça a pris des formes différentes l’année dernière. Le groupe a utilisé des formats que nous avions utilisé au sein du centre d’art, c’est-à-dire des formats publics de séminaires, de rendez-vous avec des personnalités extérieures, de festivals. Les Ateliers des horizons ont participé à une grosse manifestation organisée par Bétonsalon en proposant des ateliers de pratiques féministes non-mixtes. Ils ont participé à l’hommage à Nathalie Magnan, théoricienne du cyber-féminisme au MUCEM. Ils ont aussi organisé des discussions dans l’espace public sur la question des communs. L’objectif, puisqu’il s’agissait de personnes ne venant pas exclusivement du monde de l’art, était que ces outils ainsi expérimentés puissent être utiles dans leurs propres espaces de travail. Ce qui a été effectivement le cas. De ce fait, on peut dire que des pratiques issues du monde de l’art ont infusé en dehors du cercle habituel. C’est exactement ce que nous recherchions.
École du Magasin (1987–2016): How Fitting an End
École du Magasin (1987–2016): How Fitting an End
an essay by Michela Alessandrini, Lore Gablier and Estelle Nabeyrat
Originally published on School Watch (Septembre 2018)
A newsletter arrives on December 13, 2016, announcing a call for applications to the “Ateliers des Horizons.” A number of emails follow: the École du Magasin has come to an end, been “reinvented.”1 Under the new director of Le Magasin—now Magasin des Horizons—the Ateliers will offer “a professional multidisciplinary training program dedicated to arts and societies” that intends “to foster reflection on social changes, evolving professional practices, and the political challenges faced by the cultural, social, and educational sectors.” On the program of the Ateliers: physical training (dance, yoga, hiking, tai chi) combined with seminars and field trips. Nowhere in the program description does the term “curatorial” appear.
The sudden disappearance of the École du Magasin was felt by a majority of its protagonists as a misunderstanding or denial—if not an outright rejection—of its history and achievements. In response, in March 2017, a group of former participants created the Association École du Magasin Alumni, a network of participants and collaborators of the École, to continue its legacy and encourage debates on contemporary curatorial practices. That summer, the association suggested the board of the Magasin des Horizons transfer the École’s archives to an institution specializing in the preservation of archives of contemporary art. This proposal was rejected, and by February 2018 confirmation arrived that the archives of both the École du Magasin and Le Magasin would be moved to the local administrative Archives Départementales de l’Isère in Grenoble.
In December 2017, Damien Airault, Michela Alessandrini, Lore Gablier, Estelle Nabeyrat, Ekaterina Shcherbakova, and Asli Seven formed a research group to foster the École’s pedagogical history. The group participated in the first residency program offered by the Institut National d’Histoire de l’Art (INHA) in Paris in spring 2018.2 Because of the threat to the École’s legacy and the group’s mission to keep it alive, composing an oral archive of the École’s community emerged as the natural working methodology within the research project Calling Back: l’École du Magasin (1987–2016).
This text is the first part of a paper published from the group’s research, and is a collaboration between Michela Alessandrini, Lore Gablier, and Estelle Nabeyrat. In the spirit of the École, we have worked in close collaboration to gather multiple interpretations on “how fitting” the end of the École du Magasin can be understood, taking advantage of the various viewpoints and areas of interest that we have as researchers, curators, and art workers. Our purpose is to dive into the history of the École du Magasin and, little by little, put it in perspective. The text is partially based on our own experience as former participants and coordinators and on the archival material we have collected and interviews we have conducted since December 2017. The reflections presented here are meant to not only raise awareness of the necessity of sharing the narratives in these archives but also to shed light on the pivotal role of curatorial pedagogical methodologies in understanding broader societal dynamics as they are mirrored and embedded in art institutions’ behavior.
The project of creating an art center in Grenoble was entrusted to Jacques Guillot in July 1985.3 Director of the gallery space Espace Arts Plastiques in Villeparisis in Paris’s northeastern suburbs from 1978 to 1983 and member of the commission responsible for decentralizing the visual arts in France, Guillot had recently joined the Ministry of Culture’s Délégation aux Arts Plastiques.4 His initial task was to evaluate the possibility of installing the art center within Grenoble’s Halle Bouchayer-Viallet, which the city government identified as a possible premise. This peculiar building, the steel structure of which was designed by the Eiffel workshops for the 1900 Paris Universal Exhibition, was entirely dismountable and brought to Grenoble by the industrialists Joseph Bouchayer and Félix Viallet, where it formed part of an industrial complex. After the factory ceased operations in the second half of the twentieth century—a common ancestry of many art spaces—the building was abandoned until the city purchased it in 1980. Upon entering, Guillot’s immediate reaction was skeptical, to say the least, having likely sensed what would remain a persistent problem: the financial abyss of heating a space of three thousand square meters. Soon, however, under pressure from the Parti Socialiste city government, Guillot settled on the Halle Bouchayer-Viallet, and the new Le Magasin joined the Musée de Grenoble and the École Supérieure d’Art on Grenoble’s cultural landscape.
While designing the agenda of Le Magasin, Jacques Guillot included a training program that would bring together exhibition-making, public programming, and education in a unique, and at the time, extremely innovative manner. In the official proposal to President François Mitterrand from October 1985, Guillot stated that the purpose of the École was “to instruct upcoming médiateurs at an international level, thus giving French art a recognition it partially lacks—through a thorough knowledge of contemporary art, a rigorous examination of its various audiences, and a flexible attitude towards the economy and other cultural fields.”5 The École was a crucial component of Guillot’s vision for the art center: not only would it respond to the growing need for young art professionals in France but it would also contribute to the influence of the art center on the international contemporary art scene. Alumni would become ambassadors of Le Magasin and its École, as well as of an emerging art world in France and beyond.
Also in his project proposal for Le Magasin, Guillot cited Centre Georges Pompidou curator Jean-Hubert Martin as a model for the institution’s leadership for his insistence on going beyond the intellectual and aesthetic categories defined by Western art history. Years before Magiciens de La Terre, the landmark 1989 exhibition Martin presented at the Centre Pompidou and the Grande Halle de la Villette in Paris, Guillot anticipated the need to expand the accepted Eurocentric perspective. In that time of political and cultural excitement, exploring the arts of the so-called “third world” not only responded to French political concerns but also accommodated the interdisciplinary zeal for “other” geographies. Though it was clear from the beginning that a wider interest in and knowledge of non-Western cultures would inspire Le Magasin’s artistic program, a clear shift in this sense never occurred.
Institutional French academia was in a state of change in the 1980s. In 1985, Pontus Hultén, the first director of the Centre Georges Pompidou, inaugurated the Institut des Hautes Études en Arts Plastiques in Paris, a center for contemporary research in artistic creation that responded to new concerns, namely knowledge transfer between practicing professionals and open experimentation as possible alternatives to the traditional idea of art school, following the model of Black Mountain College in the postwar United States. Under these premises, the École opened its doors in 1987, only a few months after Le Magasin itself was inaugurated.6 , was also on display and included pictures of interventions that artists Quentin Bertoux, Daniel Buren, Érik Dietman, Jean-Marie Krauth, Bertrand Lavier, Ange Leccia, Ken Lam, Pierre Mercier, Nam June Paik, Keith Sonnier, Jean-Luc Vilmouth, and Lawrence Weiner made during the building’s renovation.] In addition to Black Mountain College, both IHEAP and the École du Magasin were inspired by the Whitney Independent Study Program in New York, which in 1987, under supervisor Hal Foster, reconstituted its art history and museum studies program as two separate courses in critical studies and curating in order to develop “alternative curatorial forms.”7
The École’s initial methodologies emphasized independent study, following Guillot’s very broad, informal knowledge of contemporary art, which he had acquired through exchanges with artists and peers rather than institutionalized education. The curriculum entailed study trips and meetings with key figures in contemporary art, and Yves Robert and Florence Bonnefous, participants in the first and second sessions of the École, respectively, recalled meetings with Kaspar König, Benjamin Buchloh, Jan Höet, and Harald Szeemann—a reflection of the male, white, educated art power structures that have since hopefully, gradually evolved. Apprenticeships with art professionals held two main objectives: to become familiar with the operation of an art center and its artistic community and to identify young artists with whom the École’s participants could collaborate to produce a commissioned work. Apprenticeships sought to establish true connections between the different personalities involved in artistic production and therefore encouraged dialogues and long-term relationships between curators and artists. 19&&, the 1988 exhibition produced by the first session of the École, served as a crucial test case of this hypothesis. Eleven artists—Marie-José Burki, Eugenio Cano, Carcle Ramo Nash, Grenville Davey, Thomas Locher, Johan J. A. G. Muyle, Philippe Perrin, Caroline Russel, Siberia (Dominique Gonzalez-Foerster, Bernard Joisten, Pierre Joseph, and Philippe Parreno), Patrick van Caeckenbergh, and Anthony Wilson—were selected not according to an overarching topical premise but rather, as Tirdad Zolghadr commented in his essay on the exhibition, assembled over the course of the academic year as a result of the curators’ wanderings and encounters.
Grenoble was advantageous for such wandering.8
The Musée de Grenoble was the first museum in France to acquire a collection of modern and contemporary art, and the city’s École Supérieure d’Art produced a generation of artists that engaged directly with Le Magasin and students of the École. (Dominique Gonzalez-Foerster, for example, was both a student at the art school and then at the École du Magasin). As Florence Bonnefous recalled in an interview with May magazine:
Before [Air de Paris] was created, it was originally at Le Magasin in Grenoble, where I met Édouard [Merino], to whom I then introduced Éric Troncy, who was already a friend of mine, and who consequently met Nicolas Bourriaud, who was a friend of Édouard’s. Then all of us met Philippe Parreno, Pierre Joseph, Bernard Joisten, Dominique Gonzalez-Foerster, and Philippe Perrin. It’s interesting to remember these artists not as starlets from Grenoble, but for the whole body of collaborative work they put together, which was a very unusual and innovative model in regards to the common conception of an artist’s collective, and consequently not so easy to achieve in those days—and fairly rare. So something was going on in Grenoble at the time, with two hubs: the art school and the art center.9
Following Jacques Guillot’s sudden death in fall 1988, Adelina von Fürstenberg was appointed director of Le Magasin and the École. A Swiss citizen of Armenian origin born in Istanbul, she brought to Grenoble during her five-year tenure a multicultural approach to art and its curation. Under her leadership, real consideration was given not just to daily tasks of curating (including care for professional relationships) but, importantly, to collective interaction within the group of students, to the shared experience of being and working together. The importance of solidarity rather than competition progressively became a core value and a working methodology that would inform the rest of the existence of the École.
Cohesion within the École and community beyond its walls were encouraged, as were “preverbal” and “sensitive” curatorial behaviors—a collaborative, relational way of adopting trust and companionship as learning tools. Von Fürstenberg remembered the life of the École as a daily gathering where students could easily meet and work closely with the staff.10
Initiatives like communal student housing so that they could live and work together, however, went unrealized. Still, the École as a total experience was the spinal column around which the program was articulated and the philosophy underlying curatorial decisions, behaviors, and outcomes. Participation in the École could best be described as “a discovery of the Other and at the same time of the Self,” to use Viktor Misiano’s expression from the essay “The Institutionalization of Friendship.” Itself a value and a primary condition of a life in art, “the generative power of friendship can be seen in desire, but also […] in trauma.”11
Witnessing the trauma of coming together with a group of people from various geographical and cultural backgrounds, with different expectations and viewpoints, many alumni claimed the importance of operating like an organism made of connected yet independent organs. Feelings, as opposed to rational (verbal) approach of curating, were encouraged to inform the working process of the group and expressed through the creation of a sympathetic network in and out of Le Magasin. Under von Fürstenberg’s direction, the École gained institutional recognition and in 1993 was awarded a prize at the 45th Venice Biennale for its collaboration with artists in the national pavilions and main exhibition, as well as with press and communication.
The practices of many artists on the Grenoble scene of that time, including many associated with Le Magasin and the methodologies of the École, formed the heart of Nicolas Bourriaud’s 1998 book Relational Aesthetics, which would define this generation of artists and curators unilaterally interested in developing a critique of authority figures inherited from conceptual art and institutional critique.12 The artwork became an open space made by different agents, including the public. For Spanish art critic Peio Aguirre, relational aesthetics had its epicenter in France and was defined by the exchange of roles between a multitude of interdisciplinary actors, among other things. 13 . http://campoderelampagos.org/critica-y-reviews/9/9/2017] As a creative mode, relational aesthetics influenced curatorial practice and its reception in France through the rise of creative projects enacted outside traditional art contexts. That relational aesthetics took root in Grenoble’s institutions before it became a programmatic tendency elsewhere attests to how keenly aware the city’s institutions, artists, and curators were of the changes to come to cultural production.
One of the shows often associated as a precursor of relational aesthetics was Project Unité, a 1993 exhibition curated by Yves Aupetitallot in which artists engaged with Le Corbusier’s Unité d’Habitation in Firminy, France. The following year, Aupetitallot succeeded Adelina von Fürstenberg as director of Le Magasin, a position he would hold until 2016. Referring to the context in which Project Unité was developed and the circumstances of the mid-1990s, Aupetitallot told May:
The international scene was undergoing a far-reaching change in its settings. Geopolitical changes, to start with, with the collapse of the Berlin Wall and the premises of its internationalization resulting from the gradual opening up of customs barriers, then economic, with an unprecedented crisis in its market and the first still barely perceptible signs of a commodification in the making, and lastly societal, ending up with upheavals in methods of exchange ushered in by the post-AIDS years and the sudden arrival of the Internet. All these factors taken together quite logically had an effect on the theoretical materials and the processes being introduced into new curatorial practices.14
During this time, the École began an initiative to problematize the question of artistic production in light of other art scenes and fields of study. In 1998, art historian Catherine Quéloz was invited by Aupetitallot to rethink the École’s curriculum with Lionel Bovier, then guest curator at Le Magasin. A year later, Liliane Schneiter joined as a member of the teaching staff, and Alice Vergara-Bastiand was appointed coordinator. Together, they served as the École’s pedagogical team until 2008 and encouraged the principles of “co-learning,” which they defined as “the adoption of a transversal and participative pedagogy that takes into consideration all the actors—the participants in each session, the pedagogical team, the coordination, the guests, the staff of the art center, and the director.” This was also the moment when a specific theoretical corpus was introduced (Frankfurt School, and cultural, postcolonial, and feminist studies), which was intended as a set of critical tools that would allow participants to link their individual experiences to the social contexts in which they evolved. At the turn of the millennium, the École developed as a research platform in which “the curatorial activity takes into account a more extensive field of research, one that conceives artistic production not as an object destined for the museum, but as both a critical practice and a social object.”[Journal d’art contemporain / Contemporary Art Journal, edited by Yves Aupetitallot, October 1999. The magazine was published by Le Magasin three times annually.] The white cube steadily ceased being the predominant exhibition model. Other curatorial forms were apprehended, and École participants developed projects that were both experimental in their formats and broad in their topical focus. 15
To mention a few: In 1999, Session 9 of the École du Magasin produced Radio Temporaire, which consisted of radio broadcasts and a yearlong seminar series that distilled the concept of cultural studies and, more specifically, the work of Stuart Hall.16 In 2001, Session 10 presented Digital Deviance, a project that examined themes of resistance, activism, and notions of the underground in contemporary artistic production in light of the emergence of the digital age. As explained in their curatorial statement, participants were interested in “an artistic scene already constituted and active, but not very visible in France, especially within its cultural institutions” that included artists and artist collectives such as Critical Art Ensemble, Association of Autonomous Astronauts (A.A.A), and Gregg Bordowitz, among many others.17 In 2002, Session 11 presented the exhibition and public program Xeros at the Planning familial18 in Grenoble and assembled artists, researchers, and local social workers to discuss sex and space: how sexualities appropriate spaces, divert their usual functions, and, conversely, how spaces influence sexual practices and conditions.19 The book AIDS RIOT, edited by Session 12 participants and published in 2003, looked into the responses offered by a number of artist collectives working during the AIDS crisis in New York from 1987 to 1994 and their attempt to renew the proactive role of avant-garde art as a vehicle for social transformation. AIDS RIOT notably included a series of interviews with AA Bronson (General Idea), Julie Ault (Group Material), Gregg Bordowitz (Testing the Limits Collective and DIVA TV), and Marlene McCarty and Donald Moffett (Gran Fury), as well as two essays by Douglas Crimp and a selection of texts contributed by collectives featured in the book.20 The following year, Session 13 produced the exhibition Royal Wedding, which took the form of a thirty-five-minute video essay that reflected on the emergence of reality TV in the early 2000s and how it distorted our relationship with reality. Bringing together video excerpts from works by artists such as Dan Graham, Pierre Huyghe, Jonas Mekas, John Miller, Barbara Visser, and others, with a collection of infotainment materials, “Royal Wedding” was presented on a monitor in the recreated Paris apartment of Ghislain Mollet-Viéville, a noted collector of minimal and conceptual art, at the Musée d’Art Moderne et Contemporain in Geneva.21 In 2005, the three participants in Session 14 declared themselves a curatorial collective under the name The Commons Service Group and promoted the exchange of knowledge and immaterial resources and awareness of the significance of the General Agreement on Trade in Services for contemporary art and cultural production. During the 51st Venice Biennale, the three curators used a kiosk designed by London-based art and architecture collective public works to display and disseminate information about a World Trade Organization agreement that “jeopardizes the free circulation of art and culture, as well as each country’s ability to maintain its own cultural policies.”22
By the end of the aughts, however, the École found itself in a relatively precarious place within an art center with which it had less and less interaction. From that time onward, participants were challenged by working cooperatively within budgetary restrictions and instability. Within this context and following the departure of Alice Vergara in 2009, Lore Gablier was recruited as coordinator and for the next three years worked closely with artist Fareed Armaly, who had just completed his first term as tutor at the École—a role he would hold until 2012. Armaly was already familiar with the context of Le Magasin and its École: not only had he collaborated in the past with Aupetitallot and notably played a key role in the exhibition Project Unité, but his approach to media (which informed his artistic program as director of the Künstlerhaus in Stuttgart, Germany) inspired the project Digital Deviance, on which he was a consultant.23 As Marianna Hovhannisyan24 , participant in the eighteenth session of the École (2008–2009), recalled:
Within the context of Le Magasin, the end of the decade felt like a transition—leaving their 1990s focus on more direct results of group exhibitions and confronting the broader issues to be considered in pedagogical curatorial frameworks, which included artistic production and exhibition-making. This context matched well with having Armaly as the session project tutor. Less immediate emphasis was put on the representative outcome of an exhibition, and more on first developing the research process and group-oriented experiment while having in mind the École’s mandate for a collaborative exhibition. For example, with my colleagues, the idea was to first work with a blog format (title: Season18), and from the beginning of the session, to enact our individual research and group dialogue through a fixed number of “episodes.” Such a guidance from Armaly aimed at producing, reflecting on, and archiving the research of the group, and also making public the possible foundations of a transition to the final exhibition project.
During its final years, the École du Magasin faced increasing external and internal challenges. Coordinators whose contracts were subject to annual renewals were repeatedly turned over, thus affecting the stability of the pedagogical team and preventing the implementation of a long-term pedagogical vision. Following the 1999 Bologna Declaration, the principles of independent study that had constituted the École’s pedagogical identity became more difficult to sustain as degree-granting and academic alignment gained ground. In this changing landscape, the École du Magasin found itself increasingly marginalized, despite its international reputation.
By 2010, the École had a modest budget of approximately €30,000 for its program, which restricted the number of students and its activities. From 2011 onward, discussions were held about the possibility of offering a diploma in collaboration with the École Supérieure d’Art et Design Grenoble-Valence. On a basic level, not obtaining a valid degree and therefore not having a student status presented an obstacle for prospective participants, especially those in need of visas. And after several attempts to secure the agreement of the government to turn the École into a postgraduate program with an innovative structure combining professional and academic contexts, the proposal remained just that. Despite the resourcefulness of each coordinator of the École in fostering partnerships with regional institutions to cost-share and to maintain consistent enrollment of qualitative activities, the program was constrained by its budget. Without any additional financial support, the program slowly lost its status in comparison to more attractive—and expensive—curatorial programs.
At the same time, Le Magasin was subject to critical internal difficulties. In 2014, the year Estelle Nabeyrat was appointed École coordinator and Manuel Segade became the new tutor, the art center organized an auction to settle its debts. This featured ten established artists—Xavier Veilhan, François Morellet, Sylvie Fleury, Adel Abdessemed, Philippe Parreno, David Altmejd, John Armleder, Olivier Mosset, Mai-Thu Perret, and Carsten Höller—who donated a recent work as an expression of thanks to an institution that supported their early careers. As a result, however, discontent among staff grew, leading to accusations of mismanagement by director Yves Aupetitallot, and a weeklong strike was held in fall 2015. Le Magasin’s board (composed of representatives from the Ministry of Culture, the regional and city governments, and a number of influential politicians and art collectors, but no artists or curators) informally expressed its doubt about maintaining the curatorial program in light of the increased prominence of academic master’s programs dedicated to exhibition-making.
Besides these structural difficulties, the École also lacked internal and external visibility of its participants’ final projects. In the early years of the École’s existence, the sessions’ projects were presented in the main exhibition galleries, but beginning in the mid-1990s, this practice was discontinued.25 Most projects were staged in less visible, auxiliary spaces such as Le Magasin’s auditorium or its former cafeteria. These space constraints often generated frustration among participants, but they also enhanced creative experimentation. For instance, the decision by Session 21 participants to transform the auditorium into an exhibition space conceived as a multimedia agora directly echoed the project’s content: drawing on the history of Vidéogazette (the first community television program in France, broadcast from La Villeneuve, Grenoble, from 1973 to 1976), the exhibition The Whole World Is Watching reflected on the collective space defined by media and technology. Two participants in Session 22 used the concierge’s lodge at the entrance to the Bouchayer-Viallet industrial site to present This Is the Place, a project intended to connect local artists to misused and abandoned structures in Grenoble. The same location was used by participants from Session 24, who transformed it into a recording studio for the project Take You There Radio26 , which included a residency program for invited artists and a five-day, twenty-four-hour Livestream that revolved around themes of space and time travel. Alternative to the more traditional exhibitions staged within the four walls of an institution, these presentations not only indirectly questioned Le Magasin and its administration in the last years of Aupetitallot’s direction but also illustrated how the École encouraged participants to challenge the format of the exhibition and to consider alternative ways of presenting art.
A 2014 petition signed by four hundred international art professionals called for the École to be taken into account in the recruitment process of a new director, and for its autonomy to not only be respected but increased. Unfortunately, the petition failed to influence the board’s vision for the future of the art center and the École. A period of uncertainty defined the end of the École in 2015–2016. While Aupetitallot was on sick leave, the board suspended and subsequently canceled his exhibition program. Rather than seeing the École du Magasin as a potential source of programming (a number of alumni were invited to submit proposals)—in the year it celebrated its twenty-fifth anniversary—the board selected a guest curator with a preconceived program to fill the exhibition schedule. And though the École participated in a symposium organized by the CCA Wattis Institute in San Francisco on the future of curatorial education,27 the program of conferences École tutors submitted to Le Magasin’s board to celebrate the school’s anniversary was not approved and thus never took place. In March 2016, Aupetitallot was replaced by Béatrice Josse, who recast the École du Magasin’s curatorial program into the Ateliers de Horizons.
Most of the people involved—participants, educators, administrators—agreed that reframing and rethinking the École became a priority as the program approached its twenty-fifth anniversary. Its untimely end foreclosed a debate that was not only necessary but constituted an intrinsic part of the history of the École and its continuous cross-examination and self-analysis of “why do we do the things that we do.” The transformation of the École into the Ateliers des Horizons also seemed to overlook the practice of the curator and the critical understanding of the exhibition as a context that fosters the capacity of art to reflect and, in an agonistic spirit, rewrite tactics for imagining what is presentable and not, what is in the institution and not, what the institution stands for, the underlying sociopolitical dynamics that it reveals, and the strategies of power the institution expresses. The loss of a space that reflected on the evolving role of the curator and the exhibition as an arena for debating art in its historical, societal, and aesthetic dimensions has consequences that are difficult to forecast but could indeed lead to a severe de-learning process and lack of critical observation. Concomitant with the sense of cognitive impotence related to the contemporary aesthetic information avalanche, the cultural institution’s responsibility seems even more urgently entangled with the question of bringing together people and objects in a mediated space—namely, curating.
The circumstances surrounding the closure of the École are also symptomatic of a shift in cultural policies as much as transitions in art education toward institutionalized academic models. The second part of this text will locate the history of the École du Magasin within a broader political and aesthetic context.
- As on magasin-cnac.org/ecole/presentation. Full description of the program of the Ateliers des Horizons on the same page. Consulted: July 2018. ↩
- See: www.inha.fr/fr/actualites/actualites-de-l-inha/en-2018/lancement-d-inhalab-avec-le-collectif-alumni-ecole-du-magasin.html. ↩
- Pierre Gaudibert, director of the Musée de Grenoble, first conceived a center for contemporary art as a possible extension of the museum in 1977. ↩
- Created in May 1982 as part of the Ministry of Culture, the Délégation aux arts plastiques was responsible for defining and implementing the state’s policy for fine arts and other forms of expression and encouraging their promotion to the public. ↩
- Quoted from the original project proposal by Jacques Guillot. The document is accessible on the section “Documentation” of this online archive portal. ↩
- The Magasin was inaugurated on April 26, 1986, with an exhibition of works by Daniel Buren and Brian Eno. A portfolio, Je suis absent jusqu’à mon retour [I’m away until I get back ↩
- In Independent Study Program: 40 Years, p. 15. Available on: whitney.org/uploads/generic_file/file/142/40yrsISPbook.pdf ↩
- Tirdad Zolghadr, “Getting Started,” The Exhibitionist, n°5, 2012. A digital copy of the essay is part of the archive available under the section Session 1 in this online archive portal. ↩
- mayrevue.com/en/postface ↩
- The interview between Michela Alessandrini and Adelina von Fürstenberg is available under the section “Interview with the direction and pedagogical teams” in this online archive portal. ↩
- Viktor Misiano, ‘The Institutionalisation of Friendship,’ in Transnacionala (catalogue), Ljubljana, 1999, p. 182-192. ↩
- Nicolas Bourriaud, Relational Aesthetics. Dijon: Les presses du réel, 2002/2017) ↩
- Peio Aguirre, “Fortunas de la llamada Estética Relacional” [“Fortunes of the So-called Relational Aesthetics” ↩
- “Project Unité à Firminy”, interview with Yves Aupetitallot,” May, n° 12, April 2014, p. 101. https://www.fareedarmaly.net/site/assets/files/1257/may12-yves_firminy.pdf ↩
- The projects of each session were developed in collaboration with a number of art professionals in an advisory role: Lionel Bovier (1998-2003), Fabrice Stroun (2002-2003), Vincent Pécoil (2003-2004), Florence Derieux (2006-2007), Philippe Pirotte (2007-2008). ↩
- The recordings were broadcast on the Radio Suisse Romande (RSR) from November 29 to December 9, 1999. During that week, audio archives were also presented in the radio’s studio, and a daily encounter with artists, theoreticians, architects, musicians took place, in view of “transmissions without emission” on subjects ranging from new media and their representation, pedagogy and knowledge transmission, women’s approaches to the use of space, contemporary forms of cultural resistance, new geographies and global representations, to cultural studies. Radio temporaire also took the form of a book (Grenoble: Le Magasin, 2002). ↩
- Session 10 participants were Aurélie Gandit, Nathalie Gilles, Christine Laquet, Jean-François Sanz. Digital Deviance took place from June 3 to September 2, 2001 at Le Magasin. ↩
- The Planning familial in Grenoble was the first among a now larger movement in France in the early 1960s that worked with public authorities to ensure recognition of women’s rights to control their fertility and fought for the elimination of gender-based violence. From the Xeros exhibition description: This project is presented in a place that underlines its discursive dimension and offers a contextualisation to the issues raised. In Grenoble, the Planning familial, created in 1961, appeared as a pioneering place in terms of reflection on sexuality. In addition, the desire to link approaches and audiences finds in this collaboration the possibility of bringing together visitors to contemporary art exhibitions and users of Planning familial. ↩
- Xeros took place from June 22 to July 9, 2002. ↩
- Session 12 included Nicolas Fenouillat, Anna Olszewska, Aurélie Guitton, Benedetta Di Loreto, Caroline Engel, Flora Loyau, Ivana Mestrov. ↩
- Session 13 included Katia Anguelova, Julien Blanpied, Albane Duvillier, Thierry Leviez, Guillaume Mansart, Clément Nouet. ↩
- Session 14 included Heather Anderson, Jérôme Grand and Julia Mayer. Visit the Session’s website: ecoledumagasin.com/csg ↩
- In their statement, Session 10 participants wrote: “Our approach would be closer to that of the Kunstlerhaus in Stuttgart curated by Fareed Armaly, whom we also invited as consultant to our project. This institution, although devoted to the study of the media over the last twenty years does not present a simple showcase of technical possibilities linked to the digital: it reserves a large place for traditional media, notably printed work and envisages digitality in terms of methodological possibilities rather than technical ones.” ↩
- 24 ↩
- Two exceptions: Session 23 had the opportunity to collaborate on an extensive show with Liam Gillick thanks to a partnership with the Center for Curatorial Studies, Bard College. The exhibition of Session 25 occupied most of the main exhibition space of Le Magasin. ↩
- takeyouthereradio.org/fr ↩
- The symposium “The Next 25 Years: Propositions for the Future of Curatorial Education” was organized by the Graduate Program in Curatorial Practice, California College of the Arts in San Francisco, March 14–15, 2015, and included representatives from Banff International Curatorial Institute, Dun Laoghaire Institute of Art, Design, and Technology, École du Magasin, Independent Curators International, and the Royal College of Art. cca.edu/calendar/2015/next-25-years-propositions-future-curatorial-education ↩
École du Magasin (1987–2016): Changing Horizons
École du Magasin (1987–2016): Changing Horizons
an essay by Michela Allessandrini and Lore Gablier.
Originally published on School Watch (September 2018)
This text is the second part of a paper on the history of the École du Magasin, the first curatorial program in Europe, which came to an end in 2016. The first part, by Michela Alessandrini, Lore Gablier, and Estelle Nabeyrat, focused on the evolution of the École and its methodologies, trajectories of curatorial practice over the last three decades, and the circumstances that led to the program’s end and the creation of the Atelier des Horizons. Here, we consider the École’s history and fate within broader societal frameworks, especially the transformations in the political and educational landscapes that occurred during its existence.
Ten years after the 2008 global financial crisis, Western governments have implemented fiscal austerity measures to service debt, exacerbating the overlapping crises of widespread economic inequality and the dismantling of the social safety net. Feelings of anguish, disaffection, and distrust are on the rise, blurring priorities. Art and its institutions have been left fundamentally vulnerable, marked by persistent economic uncertainty and subjected to sweeping budget cuts. Publicly funded institutions are in survival mode, accepting often controversial corporate sponsorships and private donations to maintain solvency and adopt visitor numbers as the primary metric of success. An aversion to art and culture has grown, promoted by some of the most reactionary voices, such as the far-right Dutch politician Geert Wilders, who declared that “hardworking Dutch citizens should not have to facilitate the needs of artists who, in practicing their subsidized or ‘left-wing’ hobby, feign work thanks to state injections.”1 Artists have become a political construct set in opposition to another political construct: the people. The bias conflating culture with elitism ridicules and homogenizes artists and their work, as well as people’s desires and needs. This dynamic has forced many art institutions—like the Magasin des Horizons—into an identity crisis, compelling them to reassess their positions and responsibilities, for better or worse.
Public investment in art and culture is not a distant memory, and the dramatic changes to cultural policy enacted in France at the time of the École du Magasin’s founding reverberate in the present. Under the leadership of Jack Lang, the Ministry of Culture established the Troche Commission in 1981 to implement a strategy of cultural decentralization.2 The commission had two main goals: to enhance the country’s reputation on the international art scene and to provide people access to contemporary art in regions deprived of any dedicated infrastructure for it through the creation of regional art centers based on the Kunsthalle model in Switzerland, Germany, and Austria. The Ministry of Culture’s budget doubled in 1982, public money flowed into the cultural sector, and contemporary art centers around the country opened their doors. Though initially appealing, this new cultural policy signaled a shift toward an economic interpretation of culture and precipitated the rise of the “creative industry.” A new state apparatus in the field of visual arts led to the recruitment of government art workers whose role combined support with observation and evaluation, influencing art institutions’ tastes and budgets. Decentralization was not just territorial but semantic: culture and mass culture were increasingly merged, marking a rupture with André Malraux’s more traditional top-down approach to democratizing culture two decades earlier.3 This strategy also fulfilled the prediction of Guy Debord’s The Society of the Spectacle, namely the increasing subjection of social life to economic imperatives.4
It is in this paradoxical context that Jacques Guillot instituted an art center and training program dedicated to the production and presentation of exhibitions of contemporary art. Not without humor or provocation, Guillot named the program a “school” as an invitation to move away from institutional pedagogy and promote alternative methodologies and modes of learning. The first participants in the École were not curators but médiateurs, echoing the Ministry of Culture’s mandate to transmit art to all corners of France and to all French people. Experimentation and peer learning distinguished the pedagogy and philosophy of the École du Magasin from the beginning, and as the program developed, it established new curatorial methodologies and practices. The École preceded the curatorial boom, and what began as a response to the changing art landscape in France inevitably contributed to the creation of a new, formalized vocabulary of curating and the increasing professionalization of the curator in the cultural sector. The number of courses dedicated to curatorial studies increased in step with this professionalization. In 1992, five years after the creation of the École du Magasin, the two-year master’s curatorial program at the Royal College of Arts and the Sciences et Techniques de l’Exposition program at the Université de Haute-Bretagne, Rennes, were both inaugurated. De Appel’s curatorial program was launched in 1994, followed by the MFA in Curating at Goldsmiths, University of London, in 1995, and the Konstfack CuratorLab in 1999. A set of curatorial tools (specific syllabi and bibliographies, debate platforms, and networks) appeared in this decade, furthering the development of curatorial discourse and its relevance in art history, as well as a brand-new field of study: exhibition history. In 1999, the Bologna Process was launched to create the European Higher Education Area, establishing the European Union as the world’s largest knowledge economy. To date, forty-eight countries have joined the EHEA and implemented reforms that allow for comparative rankings among European schools; art schools, in turn, have been compelled to refashion their curricula to compete beyond their regional and national reach. As Ute Meta Bauer wrote in the essay “Under Pressure”: “The art schools and universities—previously more free and open zones for experiments—gradually became incorporated into a suspiciously commodified system… MA courses have expanded both in the field of artistic education and curatorial studies to serve an ever-growing market.” 5 The implementation of the Bologna Process signified a paradigm shift, and the ensuing growth in doctorate programs in artistic research furthered the specialization of curatorial studies.
In the post-Bologna era, the philosophy and methodology of independent studies at the École du Magasin’s core was steadily undermined. The institutionalization of curatorial studies rendered degree-holding a prerequisite for employment, barring many uncredentialed curators from teaching, and instilled careerist expectations in potential curatorial students. By resisting any form of academization, however, the École succeeded in providing a platform to critically engage with curatorial practice, and significantly contributed to debates about the role of the curator in broader societal frameworks. As Andrea Bellini noted in the 2006 article “Curatorial Schools: Between Hope and Illusion”: “Compared to the other programs, which emerged within universities and are thus conditioned by their rules, the École has benefited from a particularly flexible structure which has allowed it to adapt its teaching methods over time.” 6 The École remained tuition-free throughout its existence, contrary to comparable programs, and hosted a significant number of international participants, despite the difficulty of obtaining visas as a non-degree-granting program. 7 By providing affordable curatorial education to ethnically and socioeconomically diverse students, who brought with them different educational histories and perspectives, the École inevitably challenged the hegemonic history of art and exhibition-making. It expanded curating into new experimental formats beyond the usual contexts of fetishized and commodified art and the established cultural authority figures.
The last three decades of economic and societal transformations have deeply influenced the evolution of curatorial practice as well. By the end of the 1990s, the curateur—a term often rejected in the French academy for being both an Anglicism and a neologism—supplanted the médiateur. The latter recalls the origins of curatorial practice and, to a large extent, its very essence: the spirit of collaboration with artists and cultural producers for the sake of realizing a project that is meant to be shared with the wider public. The médiateur is then a facilitator or intermediary transformed into an independent creative agent. The curateur (which was introduced to the École in 1996 by Catherine Quéloz) points to a conceptual and formal expansion of the practice of exhibition-making that implies that collaboration with artists does not have the sole purpose of presenting works in a dedicated physical space, namely the white cube. As the term rose in prominence, the “curatorial” was the subject of harsh and often uninformed criticism. However, the kind of curatorial authorship advanced by Harald Szeemann that tended toward a model of self-promotion and self-centered individuality gained traction, a reflection of the neoliberal economy that was imposed as the only viable economic model in an increasingly globalized cultural sphere. As Anton Vidokle has observed, “It’s not coincidental that the rise of the ‘independent curator’ has taken place alongside a pattern of increasing privatization over the past couple of decades in the cultural field. Curators and institutions of art, whose authority is in part derived from representing public interests and being responsible to the public, are increasingly becoming private agents guided largely by self-interest.” 8 Since the École’s founding, curating has become a much more fashionable exercise, applicable to cooking, fashion, event planning, and so on. Furthermore, with the rise of social media, “curating” has come to signify a style of narcissistic persona cultivation in the race-to-the-bottom attention economy.
From the multiplication of master’s programs and pop-up courses to the rapidly changing cultural, economic, and political contexts, the fate of the École du Magasin was somewhat inevitable. Its unceremonious end is symptomatic of the cultural expectations and tendencies of our time, in which art’s relevance is assessed in terms of impact and profit: its capacity to solve concrete problems, or as Jack Lang had assumed, to yield material benefits. Art has been trapped in a profound paradox experienced by many individuals: blame for structural problems that it alone cannot solve. Even with the best intentions, treating the symptoms does not always cure the disease. The structural reasons for the precarity many art workers and art institutions face today cannot simply be altered through naive acts of resistance and shallow attempts to enhance collectivity and participation. Doing so risks halting the political momentum and broad alliances required to stimulate large-scale, systemic change. In our ruptured and complex environment, one of the characteristics that art has defended is its relentless will to examine its own nature and purpose. Urgent questions related to agency, accountability, and reach are being put up for discussion by artists, curators, and institutions alike.
In an interview for the research project Calling Back: École du Magasin (1987–2016), Victoire Dubruel, a close collaborator of Jacques Guillot and Le Magasin’s first director of international relations, said:
If we now want to be as experimental or as close to what is being done, to what is emerging, I think that we should be elsewhere. We should, for instance, be with people who reflect on the question of the commons,9
The more we give, the richer we are”. Quoted from “The network archive,” an interview between Michela Alessandrini and Manuel Borja-Villel, in Curatorial archives in curatorial practices (Istanbul: SALT, upcoming 2018).] who experiment with other artistic practices. The École du Magasin was thought of as a response to what seemed to us to be a need at a given moment. The whole situation has evolved. So in a way, it doesn’t shock me that it ended.
Indeed, the world around the École has evolved, but in this narrative, something does not change: the cycle of the seasons. Every year, winter returns, and those of us in colder climates seek warmth indoors. In a September 2017 interview with Le Petit Bulletin, Grenoble’s local newspaper, Béatrice Josse explained that exhibitions at the Magasin des Horizons were suspended because the heat in the galleries had stopped working.10 Fixing this issue was a top priority to create “more convivial spaces, meeting spaces, and a shared workshop” in line with the program that she proposed as the new director, which in itself was a rejection and disregard of the institution’s legacy. Le Magasin and the École were forced into obsolescence. The heating issue—really the lack of funds to resolve it—was a pretext for dismantling an art center and school that were distinguished by rigorous exhibition programming and innovative curatorial pedagogy. The end of Le Magasin and the École exemplify the risk organizations of art and education face working outside the forces of institutionalization while being subject to unrealistic expectations and chronic disinvestment: the heat goes out.
- For an analysis of the circumstances surrounding Geert Wilders’ 20111 declaration and the implications of budget cuts to Dutch cultural funding, see Moosje Goosen, “Going Dutch,” frieze, 1 January 2012. Available on: https://frieze.com/article/going-dutch-0 ↩
- The Michel Troche Commission, or Commission de la réflexion sur les arts plastiques, was formed in 1981. A February 1982 report submitted to the Ministry of Culture entailed a number of proposals, including the creation of regional contemporary art collections, the Fonds régional d’art contemporain (FRAC). Today, the FRAC form a network of twenty-three public collections of contemporary art across France. ↩
- André Malraux summarized his mandate of the Ministry of Cultural Affairs as a mission “to make the greatest works of humanity accessible to the largest number of people.” However, Malraux’s democratization of art entailed only transplanting metropolitan tastes to the provinces rather than embracing the diverse cultures the latter offered. ↩
- In the seventeenth fragment of The Society of the Spectacle, Debord writes: “The first phase of the domination of the economy over social life had brought into the definition of all human realization an obvious degradation of being into having. The present phase of total occupation of social life by the accumulated results of the economy leads to a generalized sliding of having into appearing, from which all actual ‘having’ must draw its immediate prestige and its ultimate function.” Guy Debord, The Society of the Spectacle (Detroit: Black & Red, 1970). ↩
- Ute Meta Bauer, “Under Pressure,” in Jan Cools and Henk Slager (eds.), Agonistic Academies (Utrecht/Brussels: maHKU/Sint Lukas, 2011), p. 9. ↩
- Andrea Bellini, “Curatorial Schools: Between hope and illusion,” Flash Art, issue no 250, October ↩
- Current annual tuition at De Appel curatorial programme, for instance, stands at €7,000; fifteen months in the Royal College of Art MA program totals £14,500–34,000, depending on the candidate’s country of origin. ↩
- Anton Vidokle, “Art without Artists”, e-flux journal, no 16, May 2010. Available on: https://www.e-flux.com/journal/16/61285/art-without-artists/ ↩
- Related to art, the theory of the commons has been widely developed by Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía director Manuel Borja-Villel, notably through a series of panels and writings conceived by L’internationale network. For Borja-Villel, the museum–or the archive–of the commons goes against the idea of the museum as the sole owner of a collection, and affirms that “everything should be available to everybody, and knowledge should be shared as much as possible. [… ↩
- See ‘Béatrice Josse: “L’art contemporain, c’est autre chose que des expositions”, Le Petit Bulletin, 26 September 2017. Available online on: petit-bulletin.fr/grenoble/infos-article-58997-Beatrice+Josse+++++L+art+contemporain++c+est+autre+chose+que+des+expositions++.html (consulted 5 September 2018) ↩